LA COUPE, L'EAU DE MNEMOSYMEE ET LA COULEUR VERTE

Lors de l'Initiation au grade d'Apprenti, l'Expert offre au Néophyte une coupe remplie d'un breuvage au goût amer : le Breuvage de Mémoire, l'Eau de Mnémosymée.

A ce stade précis du Rituel d'Initiation le Vénérable Maître prononce les paroles suivantes :

« Monsieur (Madame), puisque telle est votre volonté, quoi qu'il arrive, de devenir Maçon. Et que c'est librement que vous acceptez les conséquences de toute cette rituelie ésotérique, sur vous-même et en vous-même , il vous appartient donc de continuer votre lente assimilation à l' Âme de notre Fraternité. Tout à l'heure vous avez bu le Breuvage de l' Oubli , destiné à vous dépersonnaliser, à vous enlever tout volonté propre. Voici une seconde Coupe, celle du Breuvage de Mémoire , l'Eau de Mnémosymée… Quand vous l'aurez absorbée, votre possession sera totale, absolue. L'Âme occulte de la Maçonnerie tout entière sera passée en vous. En n'importe quelle région du Monde, vous ne ferez plus qu'un avec tous vos Frères et Sœurs. Leurs amitiés, leurs répugnances seront les vôtres. Alors que l'Eau d'Oubli faisait de vous un corps sans vie, sans volonté propre, l'Eau de Mémoire, fera de vous le Maçon militant, le véritable Enfant de la Veuve. En trois fois, buvez, Monsieur (Madame). »

Ce rituel n'est pas anodin et sans grande valeur ; au contraire, ce moment revêt un rôle fondamental dans la quête initiatique et ce simple geste contient trois symboles parmi les plus importants qu'un maçon doit retenir, afin de donner une pleine lumière à sa démarche.

Ces symboles sont : la coupe, la boisson amère et la couleur verte.

En commençant le Rituel d'Initiation l'Expert fait boire au Néophyte le breuvage de l'Oubli, d'un goût insipide, afin qu'en oubliant ses penchants passés puisse se dépersonnaliser et mourir à sa vie passée. Il ne s'agit pas de détruire les particularités de son caractère ou de modifier son destin, mais de maîtriser ses penchants afin de saisir la quintessence de son être et de le faire vivre conformément à son déterminisme. Il s'agit donc bien de renaître à une autre vie, plus consciente. Dans la mythologie grecque lorsque l'âme se présentait aux Enfers elle était confrontée à cinq fleuves, mais elle n'en traversait qu'un. Ces fleuves étaient l'Achéron (douleur) ; le Phlégéton (brûler) ; le Cocyte (lamentations) ; le Styx (horrible) ; le Léthé (oubli). Si l'âme traversait le Léthé, c'est qu'il lui était donné de se réincarner dans une autre vie. Or si le fleuve peut avoir différents aspects, c'est qu'il représente l'existence même et ses diverses manières d'être vécue. Descendant des montagnes, sinuant à travers les vallées, se perdant dans les lacs ou les mers, le fleuve symbolise l'existence humaine et son écoulement avec la succession des désirs, des sentiments, des intentions, et la variété de leurs détours. Au Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm nous ne faisons que reproduire cette tradition mythologique, consistant à marquer par ce geste le recommencement, auquel le néophyte est appelé.

Après les épreuves rituelles une autre coupe est offerte à l'impétrant et celle-ci avant de lui laisser prononcer le serment, c'est-à-dire avant qu'il devienne un Franc-maçon. Cette fois il s'agit d'un breuvage amer, celui de Mémoire : l'eau de Mnémosymée. Si le premier breuvage avait le goût insipide de la vie profane et matérielle dans laquelle l'Esprit n'est pas encore éveillé, le deuxième apporte l'amertume de la vie de l'Initié, de celui qui cherche, de celui qui est tourmenté par le désir de connaître, mais aussi par la profonde solitude qu'il devra accepter pour découvrir soi-même. Le choc de ce goût amer éveille en lui la mémoire d'un monde passé, d'une unité primordiale dont il ne reste que le souvenir dans les formes acquises par les vertus que l'Initiation lui propose de pratiquer. Cette pratique le fera renaître à une vie plus spirituelle, dans laquelle il sera amené à gravir une échelle de valeurs autres et bien plus solides que celles de la pure existence profane.

Un jour, lorsque l'initié pourra être considéré un Adepte, c'est-à-dire lorsqu'il sera parvenu à la sérénité, seulement alors il pourra goûter la douceur de l'Ambroisie.

Même si ces trois phases nous reconduisent aux trois degrés fondamentaux de l'Initiation, le symbole lié à cette boisson est contenu dans la coupe. La coupe qui nous est plus connue est certainement celle du Graal de la légende celtique. Cette Coupe creusée dans l'émeraude et contenant le sang du Christ, que Joseph d'Arimathie porta en Bretagne, afin que l'Initiation puisse survivre et se perpétrer dans la recherche de chacun des hommes à l'esprit éveillé.

A ce propos Fulcanelli disait : «Le Graal est le mystère le plus élevé de la chevalerie mystique et de la Maçonnerie qui en dégénère ; il est le voile du Feu Créateur , le Deus Absconditus dans le mot INRI, gravé au-dessus de la tête de Jésus en croix. Les Egyptiens possédaient aussi cet attribut : Sérapis est souvent figuré avec, sur sa tête, le même objet, nommé Gardal sur les bords du Nil. C'était dans ce Gardal que les prêtres conservaient le feu matériel, comme les prêtresses y conservaient le feu céleste de Phtah. Or, ce dieu Feu, ce dieu Amour s'incarne éternellement en chaque être, puisque tout, dans l'univers, a son étincelle vitale. C'est l'Agneau immolé depuis le commencement du monde, que l'Eglise catholique offre à ses fidèles sous les espèces de l'Eucharistie enclose dans le Ciboire, comme le Sacrement d'Amour. Le ciboire, aussi bien que le Graal et les cratères sacrés de toutes les religions, représente l'organe féminin de la génération, et correspond au vase cosmogonique de Platon, à la coupe d'Hermès et de Salomon, à l'urne des anciens mystères. Le Gardal des Egyptiens est donc la clef du Graal. C'est en somme le même mot. En effet, de déformation en déformation, Gardal est devenu Gradal , puis, avec une sorte d'aspiration, Graal . Le sang qui bouillonne dans le saint calice est la fermentation ignée de la vie ou de la mixtion génératrice. Nous ne pourrions que déplorer l'aveuglement de ceux qui s'obstineraient à ne voir dans ce symbole, dépouillé de ses voiles jusqu'à la nudité, qu'une profanation du divin. Le Pain et le Vin du Sacrifice mystique, c'est l'esprit ou le feu dans la matière, qui, par leur union, produisent la vie. »

Le rite de la Coupe est la dernière épreuve avant que le néophyte ne prononce le serment d'Initiation maçonnique et que la Lumière ne lui soit donnée. Ce moment est donc le plus important et son ésotérisme n'est pas assez étudié. La couleur verte est celle de l'émeraude et par conséquence celle du Graal. Elle est aussi celle du plan « astral », l'intermédiaire entre le plan physique et les plans supérieurs, spirituels. Dans la tradition orientale, du système énergétique régissant l'être humain, le vert est la couleur du 4 ème Chakra, celui du cœur. Ce dernier se situe entre le trois premières d'en bas et les trois d'en haut, il est le chakra de la fusion équilibrée entre la matière et l'esprit. Le vert est la couleur des corps en décomposition, mais aussi de la nature renaissante, d'ailleurs la disposition zodiacale du processus alchimique situe en Taureau le travail intérieur à la matière, juste avant la calcination . Nous savons que la planète Venus, à laquelle on attribue la couleur verte, est en domicile dans le signe du Taureau ; c'est alors que en ce signe de couleur verte le mouvement lent et constant commence à produire les prémices vitales. Le vert représente ainsi une phase transitoire de l'évolution ; la même transition est confiée à la Coupe d'amertume. Il est à noter que dans la liturgie catholique, le vert est employé pour les ornements sacerdotaux du deuxième au sixième dimanche après l'Epiphanie et à tous les dimanches après la Pentecôte ; c'est-à-dire dans l'attente, l'espérance des deux pivots du Catholicisme : Pâques et Noël.

Si, donc, la couleur verte représente le travail intérieur de la naissance et de la renaissance, comme transformation de la matière par l'esprit, c'est-à-dire par le feu créateur, il semble tout à fait logique et naturel, que la lumière centrale sur nos autel et sur le plateau du V M soit la flamme d'une bougie verte, symbolisant en même temps l'eau du fleuve de la vie, la naissance, la décomposition de la mort, et le plan intermédiaire de l'harmonie à laquelle tend l'Initié.

Georges CARPINTIERI

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L'AMBIANCE ET L'INITIATION

O n entend souvent dire, en Franc-maçonnerie : « l'ambiance n'est pas celle que j'aurais aimé trouver » ou « il y avait une belle ambiance, on s'est bien amusé » et encore « l'ambiance n'est pas assez spirituelle »

Pourquoi ce mot « Ambiance » revient tout le temps comme si l'on devait juger une fête familiale ou une boom d'adolescents ?

Qu'est ce qu'on demande à la F M de nous apporter : une ambiance ou une voie initiatique ?

L'ambiance est quelque chose d'extérieur et de préfiguré qui doit accueillir les Maçons ou c'est le fruit de nos attitudes et donc quelque chose que nous devons construire ensemble ?

Dans le premier cas il faudrait que les structures maçonniques organisent des « journées portes ouvertes », afin de montrer les diverses ambiances proposées et que chacun puisse choisir celle qui lui convient le plus.

Mais dans le second cas nous ne pouvons que juger nous-mêmes, car le fait de s'en prendre à une ambiance, positivement ou négativement, veut dire se considérer extérieurs à celle-ci et déléguer les autres à la tâche ardue d'interpréter nos souhaits cachés et intimes, pour organiser au mieux la structure dans laquelle nous pourrions nous épanouir à notre gré. Cette attitude est très proche de l'exploitation d'autrui.

Mais ne pensons pas à cela, car nous sommes tous FF et SS bons, gentils et tolérants, au moins dans la mesure où nous aurons raisons et nous serons bien satisfaits !

Regardons de plus près ce mot « Ambiance » et, surtout, dans sa relation avec l'Initiation.

Le Petit Robert : Dictionnaire de la Langue Française : Ambiance : atmosphère matérielle ou morale qui environne une personne, une réunion de personnes.

Cette définition nous montre que l'ambiance dépend aussi bien d'une personne que d'un groupe. Dans le cas d'une Loge Maçonnique les deux sont en cause : le Franc-Maçon avec son apport personnel et son senti, les FF et SS par l'eggregore qu'ils savent activer.

Rentrons en Loge

L 'ambiance harmonieuse, faite d'amour et ornée par la beauté, que nous souhaitons pour une Loge Maçonnique, est la conséquence de la fraternité et de l'amour entre les Francs-Maçons. Un amour capable de transformation vers un progrès de l'être dans l'action consciente, non soumise aux passions mais aux conseils de la conscience profonde. Un amour presque divin ou, de toutes façons, en condition de concevoir les diversités de chacun comme des manifestations tangibles de l'unité primordiale.

Les SS et FF ne seront pas en Loge pour se juger réciproquement, pour briller ou pour boire des canons en passant une sympathique soirée entre amis ; ils viendront pour aimer, car l'amour sera le moteur premier de la sublimation de leur être dans l'athanor de l'Initiation à la quête de l'Homme.

La pensée initiatique constitue la mesure de cet amour fraternel, dans le sens qu'elle doit former les initiés à ne plus concevoir la fraternité comme une sensiblerie ou une camaraderie, mais comme conscience d'un ensemble de complémentarités d'une seule et unique harmonie.

Par conséquent cette philosophie particulière, que nous définissons initiatique, a l'allure d'un travail tendant à la perfection d'une harmonie d'éléments au service de la raison humaine. C'est pour cela que tous les grades maçonniques sont structurés autour de mythes et légendes referant d'actions ou d'événements liés aux manifestations de la vie humaine dans ses aspects multiples et différents.

L'amour fraternel, conçu ainsi, ne peut qu'être la grande motivation de cette ambiance harmonieuse, à ne pas confondre avec plaisante, qui est mystérieuse par définition, car motivée par un sentiments impalpable et impossible à contraindre dans un cadre préconçu, mais dévouée au service du développement de la raison humaine, afin que l'Homme comprenne la fraternité et devient « fraternus ».

La démarche spirituelle, qui dans la matière se transmute en réel sentiment d'amitié, ne peut qu'être la conséquence de cette harmonie et en Franc-Maçonnerie de cette ambiance particulière finalisée au travail pour la construction du chef-d'œuvre de chacun. N'oublions pas que, à notre niveau, la spiritualité doit être ancrée dans la vie, à ne pas confondre avec l'existence même si les deux interfèrent fréquemment et inexorablement, afin que le déroulement de cette dernière dans la matière devienne une pensée d'amour pour la paix et l'accord, intérieur à l'être et extérieur entre les êtres.

A ce stade de la transmutation des êtres dans le creuset de l'Initiation, l'ambiance peut nous conduire devant un choix, souvent très difficile à faire : la spiritualité comme rêve éveillé éloigné de la réalité de la vie et prisonnier de l'assouvissement de nos fantasmes bouillonnants. La deuxième voie est celle de la compréhension d'autrui en tant que personnalité différente, manifestation de la divinité qui est en nous ; mais la compréhension implique, dans ce domaine, l'acceptation et non le renfermement dans le refus : pourrions-nous refuser les doigts de la main, car différentes des oreilles, que nous aimons tant ?

Alors la spiritualité doit rechercher sa mesure dans la raison (certainement pas dans la rationalité) qui seule peut nous faire discerner le bon choix. La raison est lumière : un éclairage qui procède par analogies, par comparaisons, par rapports, donc par géométrie, d'ailleurs le cerveau humain est géométrique. Mais le raisonnement géométrique peut être appréhendé plus dans l'action que en dévorant des livres de mathématique, car la géométrie est une abstraction intellectuelle de l'action de l'homme sur la planète ; voilà pourquoi la raison est à l'origine de l'action cognitive, du savoir, même de celui caché. Cet action pour le savoir, cet Œuvre Royal mesurera l'ambiance initiatique, par son degré d'activité et de savoir.

L'action et le savoir constituent le milieu dans lequel se manifeste l'ambiance initiatique. Ici le discours se retourne impitoyablement et inévitablement vers nous et vers nos consciences : de quel droit critiquer une ambiance alors qu'on n'est pas disposé à agir à tous les niveaux pour le savoir ? de quel droit condamner lorsqu'on pratique l'abstentionnisme des responsabilités ? Peut-on séparer l'administratif de l'initiatique par un simple décret, là aussi nous serions dans l'administration ! Chaque action est constituée de deux face : la théorie et la pratique, l'idéologie et l'activisme, l'initiatique et la gestion de la structure initiatique. Tous ceux qui croient pouvoir séparer la matière de l'esprit, produiraient une mutilation grave à l'initiation, car elle a son fondement sur les deux colonnes : la blanche et la rouge ; c'est impossible d'enlever un des chevaux au chariot de la lame VII du Tarot, mais aussi un des jumeaux dans la lame XIX ou une des femmes à l'amoureux de la lame VI. Le parcours initiatique se déroule toujours entre deux éléments opposés, c'est au Maître de les concilier, comme il a su accorder la raison et l'intuition sensible.

Nous sommes rentrés dans la Loge pour en étudier l'ambiance…sortons maintenant et, depuis cette action de connaissance, regardons en face la même ambiance.

Soit nous sommes convaincus du fait que la « révélation » peut nous apporter la connaissance dans sa totalité et dans ce cas il ne nous reste qu'à faire des miracles et marcher sur les eaux ; soit, plus humblement, nous nous limitons à acquérir le savoir par une recherche longue et patiente et alors la grande aventure de la connaissance s'ouvrira devant nos yeux…mais n'oublions pas l'action nécessaire à la conquête du savoir.

Tout comme l'apprenti charpentier ou tailleur de pierre observait, affûtait les outils, étudiait les tracés, donc, travaillait pour gagner sa maîtrise du métier ; ainsi celui qui veut savoir doit travailler et d'abord sur soi-même, afin de se débarrasser de sa carapace de lieux communs et d'idées préconçues, qui occultent le vaste domaine de la science. La capacité au travail est le plus grand patrimoine de la connaissance, car il ouvre toutes les portes et fait dépasser tous les obstacles dans le chemin vers la Lumière. C'est pour cela qu'on dit que le travail est le mobil de l'état humain, l'Homme quitte sa bestialité limitée uniquement à la satisfaction de ses besoins primordiaux, pour entreprendre un cheminement lumineux à la découverte de soi-même et d'autrui. Mais, comme le montre la lame IX du Tarot, ce chemin doit être parcouru en solitude et à la recherche du « pourquoi » des choses : les plus proches et les plus éloignées. La seule compagne de route sera la conscience, qui nous parlera dans le silence profond d'une nuit étoilée ou en contemplant un champ fleuri.

La Loge sera la création de ces consciences accrues des hommes et des femmes qui ont mis la  « patte » à l'œuvre sur le chemin de la haute science ; peut-être que le chemin de Damas de Paul était aussi cela.

La Loge comme ensemble de consciences constitue l'épreuve majeure à laquelle est soumise l'ambiance, car des hommes et des femmes sans la conscience de l'œuvre et de la solitude initiatique ne pourrons qu'engendrer une atmosphère de buverie et de festin profane ou de magouilles en affaires…mais aussi de dogmatisme et de hiérarchies rigides et autoritaires par le mépris des différences. Afin d'éviter ceci, il faut que la Loge soit équilibrée par la volonté de service au mystère du changement, de la transmutation des valeurs comme des hommes mêmes. Ce service, dans les contenus, et le mystère, dans les formes, constitueront le mobile de la vie dans laquelle l'initié vivra et se réalisera ; être maçon à l'intérieur et à l'extérieur du Temple veut dire exactement cela : servir le grand dessin, qu'un initié doit connaître ou apprendre à connaître.

Ce genre de vie, faite de sensibilité, instruite par une réelle connaissance intégrée par l'être, éclairée par la raison, engendrera comme conséquence le progrès de ceux qui la vivent et qui deviennent les maîtres d'œuvres historiques et traditionnels de l'évolution de l'Humanité. Lorsque le progrès sera la finalité de la connaissance initiatique, alors seulement l'ambiance y trouvera son meilleure patrimoine, mais la condition sera toujours que le progrès même s'équilibre dans le travail fait avec amour et pour la perfection harmonieuse.

La petite et élémentaire analyse que je viens de faire avec vous a eu comme support la géométrie, comme guide la raison, comme finalité la sensibilité, car sans elle toute démarche resterait stérile et sécherait dans le feu du désert d'une âme recoquillée sur elle-même.

Je me permet de conclure en vous rappelant, mes SS et FF , qu'aucune ambiance ne sera jamais ce que nous cherchons, car nous évoluons et notre senti avec nous, transportés par le courant du grand dessein de la Vie…et ceci qu'on le veuille ou non, qu'on le regarde en face ou non.

Que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient, que leur âme comprenne.

J'ai dit.

Georges CARPINTIERI

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LE MAILLET

Les outils de l'Apprenti sont trois : le Maillet, le Ciseau et le Levier.

Il faudrait parler des trois ensemble, car l'action de l'un ne peut pas être envisagée sans répercussions sur la fonction des autres.

L'œuvre royale est faite avec le concours de tous les outils et la première habileté d'un bâtisseur se manifeste dans le choix du bon outil au bon moment. C'est le travail du Maître

Mais s'agissant du grade d'Apprenti, je préfère traiter ces outils séparément, car l'Apprenti doit d'abord se familiariser avec ceux-ci et apprendre à les manier avec précision et pertinence.

Jules BOUCHER, dans son ouvrage «  la symbolique maçonnique  » attribue au maillet la vertu de la Persévérance , tandis que Robert AMBELAIN, dans «  symbolique maçonnique des outils  », lui attribue celle de la Tempérance .

Il ne faut pas rentrer dans le débat sophiste sur cette différence de définition, car cela est stérile d'abord et ensuite on s'aperçoit vite que les deux vertus coexistent dans le même symbole.

Le maillet est un outil, donc un objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail…c'est un gros marteau. Il sert pour battre sur quelque chose : un clou, un ciseau, un pieu…Lorsque nous battons avec un marteau il nous faut faire recours à une certaine force du bras, et non pas n'importe quel force : le travail que nous avons à faire nous indiquera le type de force à employer. Donc le dosage de cette dernière sera la première obligation de notre action avec le marteau. Mes en même temps le recours à cet outil est du à notre volonté de travailler, donc à l'objectif que nous nous sommes données et au plan de travail que nous avons préalablement établi. Ce même plan nous guidera sur le choix du matériau et ce dernier nous donnera des indications précieuses sur la qualité de notre action : elle devra être plus ou moins précise, plus ou moins violente, toute notre attention sera appelée à intervenir, notre capacité à être perspicaces sera mise en éveil.

La comparaison avec l'usage réel du maillet nous autorise à employer la métaphore de la Volonté Active de l'Apprenti. Lorsque l'Apprenti est rentré en Loge Maçonnique il a fait acte de Volonté . La Volonté lui est indispensable pour affiner son action dans son amélioration intellectuelle et spirituelle, dans l'élimination de ses métaux, dans ce travail global et en profondeur sur soi-même.

Vouloir n'est pas simple, car pour avoir satisfaction de ses désirs il faut Savoir comment les satisfaire sans blesser les autres, sans dominer l'entourage, sans faire acte de démagogie ou d'un autoritarisme souvent dangereux. Alors nous nous apercevons que ce Savoir est acquis à travers une série des Devoirs , qui forgeront notre personnalité et affineront notre vue sur ce qui nous entoure. Seulement ensuite nous pourrons dire, avec joie et pondération : « Je Peux satisfaire ma Volonté ! »

Ici nous sommes en présence du danger de la Volonté, danger bien symbolisé par le poids du maillet : la volonté sans contrôle, la boulimie, la gourmandise ou encore la volonté sans constance, liée aux caprices du moment.

Pour tout cela, nous pouvons mieux cibler la symbolique du maillet :

Lorsque nous voulons par caprice, sans avoir réfléchi, nous devenons les victimes, parfois les pantins, des émotions passagères, de la futilité, de la passion ; une démarche initiatique ne peut pas se faire selon le bon vouloir de la journée ; cela nécessite de la persévérance, sans cette vertu aucun plan n'est possible et sans plan nous ne bâtissons pas, mais nous nous complaisons des images virtuelles de notre esprit fantaisiste.

Néanmoins persévérer ne veut pas dire s'entêter sur des projets impossibles, comme certains rêves de certains initiés, plus sensibles à la nostalgie pour un passé désormais révolu, qu'intéressés à comprendre la leçon de ce même passé pour bâtir l'avenir.

La Persévérance doit s'accompagner de la Tempérance , afin que dans toutes choses la sensibilité intuitive de chacun soit ordonnée par la raison, afin que la connaissance qui nous vient des sens soit expliquée et rangée par la géométrie du cerveau.

La Tempérance, symbolisée par le maillet, «   se manifeste en divers aspects :

•  La continence, consistant à choisir de ne pas suivre aveuglément les mouvements violents de la passion ;

•  La clémence, consistant à modérer ou régler, selon la vertu de Charité, un mode correctif du mal commis par autrui, et que la vertu de Justice exige de voir plus équitablement corrigé ou expié, choses inéluctablement nécessaires ;

•  La mansuétude, consistant à écarter le mouvement intérieur de la passion d'équité, lequel ne serait plus alors que la Colère ;

•  La modestie, consistant à réfréner, modérer ou régler la partie affective en des choses moins difficiles que les précédentes, c'est à dire le désir de sa propre excellence, le désir de connaître ce qui ne nous est pas immédiatement utile, ou ce qui est inutile par la suite à la suite à notre vie maçonnique et spirituelle, les actions et les mouvements extérieurs de notre corps charnel, et enfin la tenue extérieure quant à la manière de se comporter ou de se vêtir et orner

•  La tolérance, consistant à respecter les opinions et les croyances d'autrui comme l'on voudrait que l'on respecte les siennes propres… Faut-il rappeler le texte de la déclaration des Droits de l'Homme :  « nul ne saurait être inquiété pour ses opinions, même religieuses » ?

Il est bien évident toutefois que la Tolérance ne saurait s'appliquer à qui la veulent détruire. Il n'y a pas de Liberté pour ceux qui veulent étrangler la liberté !

•  Le libéralisme, consistant à ne point prétendre obliger autrui à vivre selon des principes, des croyances, des usages, des coutumes et des prescriptions, auxquelles il se refuse à attacher une importance ou une valeur quelconque. Le libéralisme est toujours le propre des esprits équilibrés, généreux et bons. Son contraire est le sectarisme, dont l'aspect le plus courant est le puritanisme »

(R. AMBELAIN : SYMBOLIQUE MACONNIQUE DES OUTILS)

Comme vous voyez la Tempérance est une des plus grandes vertus d'un Franc-Maçon, mais aussi une des plus difficiles à acquérir, car elle impose une pratique constante des principes sus exposés, afin que de simples affirmations de principe deviennent, progressivement, des qualités exercées avec conscience et enfin des reflex normaux dans les agissements quotidiens.

La Persévérance est la clef de voûte de la Tempérance et sans elle cette dernière reste une chimère séduisante, mais jamais atteinte.

Acquérir ces vertus est le premier engagement d'un Apprenti, ensuite il se posera la question du discernement, de l'analyse pointue, de la précision de jugement et alors il pourra découvrir un autre outil dans la caisse que les Maîtres du chantier lui ont confié à son entrée dans le chantier du Temple : cet outil sera le Ciseau.

D'autres analogies ésotériques peuvent être évoquées par le maillet, mais pour votre instruction du moment contentez-vous de découvrir les secrets du maillet et d'apprendre à battre, battre et encore battre sur votre pierre brute. Sachez que vous devez conduire seuls cette recherche, car la solitude est l'état privilégié et fondamental de l'initié : un tailleur de pierre agit seul en compagnie de ses outils, ainsi l'introspection constructive de votre être renouvelé ne pourra bénéficier d'aucune aide, mais uniquement de votre force, de votre persévérance, de votre conviction dans l'œuvre. Une fois votre pierre taillée, une fois sellée dans le mur du Temple, vous serez conscients du fait qu'elle était indispensable à parfaire la Beauté de l'édifice, car elle portera en soi votre force, les moments précieux de votre vie, votre amour pour l'œuvre commune et pour la tâche, qui vous a animé pendant votre apprentissage

J'ai dit

Georges CARPINTIERI

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LE TABLIER

Le tablier maçonnique, est-il un décor, un attribut, un symbole, un outil ?

C'est, peut-être tout ça ensemble. Une chose est certaine : nous ne pouvons pas parler d'un aspect du tablier sans engager l'autre ; j'essaierai alors de donner un aperçu global de ce polygone en peau blanche (ou décorée), qui est le tablier du Franc-Maçon.

Mais avant tout regardons les étymologies de ces termes :

•  Décor  : 1) ce qui sert à décorer un édifice…2) Représentation figurée du lieu où se passe l'action…3) Aspect extérieur du milieu dans lequel se produit un phénomène, vit un être…(Petit Robert)

•  Attribut  : 1) Ce qui est propre, appartient particulièrement à un être, à une chose…2) Emblème caractéristique qui accompagne une figure mythologique, un personnage, une chose personnifiée…(Petit Robert)

•  Symbole   : Métaphore qui a son fondement dans la raison et son correspectif dans la réalité (Pierre Vincenti PIOBB)

•  Outil  : 1) Objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail…(Petit Robert)

L'apprenti est appelé à quitter ses métaux, c'est à dire à travailler sur sa pierre brute, par conséquent il a besoin d'objet fabriqués pour cette action : le ciseau, le maillet, le tablier : nous pouvons, donc, affirmer qu'il s'agit là d'un outil selon l'étymologie du mot.

En effets le tablier en peau blanche de l'apprenti maçon sert à le protéger symboliquement des éclats de cette pierre, qu'il doit dégrossir avec force et détermination ; par ce même fait le port du tablier blanc, bavette relevée, le distingue des autres FF et SS  ; par ce tablier on lui confère le droit-devoir de silence, d'observation et de réflexion en profondeur.

En présence de ce simple tablier les Maîtres et les Compagnons seront confrontés à leur conscience, car, s'ils avaient su quitter leurs métaux, s'ils avaient vécu correctement leur apprentissage, s'ils avaient appris la vertu de prudence, en aucun moment ils n'abuseront de leurs grades pour affirmer une supériorité quelconque, aussi vide que ridicule, mais ils sauront se montrer et être disponibles, compréhensifs et observateurs afin de montrer dans les faits le chemin difficile de l'évolution personnelle.

Avant d'en rappeler les significations symboliques, nous voyons ici le tablier comme attribut et décor du Maçon.

Cela confirme l'attitude opérationnelle qu'un Maçon ne doit jamais oublier : un F ou une S initiée doit toujours se rappeler qu'en Maçonnerie chaque symbole a d'abord un correspectif dans la réalité.

C'est depuis l'usage réel qu'on peut comprendre un symbole : un maillet sert pour battre sur le ciseau ; un compas pour tracer des cercles ; une règle pour mesurer ; etc. Un Maçon ne se reconnaîtra qu'au pied du mur, qu'il aura su bâtir ; tout le reste n'est qu'une vision gratuite de l'esprit.

Il nous reste à analyser brièvement la signification symbolique du tablier.

Pour cela je vous renvoie à la copieuse bibliographie sur le sujet ; je m'attacherai uniquement à quelques symboles considérés plus fondamentaux que d'autres, surtout au grade d'apprenti.

Robert AMBELAIN affirme que le tablier est avant tout le symbole de la « prudence » : vertu fondamentale pour l'initié. Cela est déjà signifié par les trois sommets du triangle : l'apprenti doit apprendre à tenir compte du motif de chaque fait, afin d'en prévoir les conséquences.

Cette pratique permet d'être prudent et de maîtriser les passions et les émotions, qui poussent à agir hâtivement sous les impulsions plus basses de l'individu, indépendamment du raisonnement, caractéristique majeure et unique de l'être humain.

Une attitude prudente nécessite la maîtrise de l'orgueil et de l'ambition personnelle, au profit d'un équilibre savant et subtil de l'esprit et de la matière, du coté masculin et féminin de l'être.

C'est tout le travail de dégrossissage de la pierre brute !

Et les tailleurs de pierre nous apprennent que les éclats sont souvent source de graves blessures, pour cela il faut se protéger et notamment sur les chacras plus bas, d'où provient l'énergie terrestre : la plus forte, la plus passionnée, la plus violente.

L'éveiller inconsidérément ne servirait pas le travail de maîtrise de la personnalité.

La protection du 1 er , 2 ème , 3 ème chacras obtenue par le port du tablier, marque cette séparation entre matière et esprit nécessaire d'abord pour les équilibrer, avant de rabattre le haut sur le bas, la bavette sur le tablier.

Analyser, expérimenter, comprendre, agir avec prudence : c'est le travail de l'apprenti.

Avant d'éveiller le plexus solaire, par l'action de la force terrestre, il faut explorer les profondeurs de l'être et méditer sur le déterminisme individuel.

A ce propos observons encore la forme du tablier : un pentagone.

Le pentagone est une des trois « figures mères », elle nous révèle l'aspect sensible de l'être et des choses : les cinq sens, éléments primordiaux de la connaissance.

Les philosophes disent : « toutes connaissances nous viennent des sens » mais je rajouterais : « c'est la raison qui nous en expliquera l'essence »

Les sens nous donnent accès à la matière, sur laquelle et avec laquelle nous bâtirons notre cathédrale.

Voilà pourquoi l'apprenti a accès à la terre par les sens : la terre est le premier élément auquel il est confronté dans le cabinet de réflexion. Mais ça sera par sa sensibilité qu'il pourra s'en élever.

Je termine ici ma petite et certainement incomplète analyse du tablier d'apprenti, en renvoyant celui-ci à des études et des réflexions plus approfondies.

Néanmoins je tiens à souligner que le tablier est un outil de travail ; ça veut dire qu'un maçon doit travailler, afin de grandir et que sa valeur se mesure dans les résultats concrets obtenus.

Comment voulons-nous améliorer l'homme et l'humanité, si nous nous employons à gratifier notre Ego et à satisfaire la soif de décors et de pouvoir ?

Ne mourrons pas étouffés, ensevelis sous les éclats de notre pierre brute !

Alors, si j'étais incapable de démontrer ce que j'affirme, si le pouvoir m'aveugle, si je n'étais pas disponible envers vous, si je ne savais pas vous comprendre et vous aimer, mes Sœurs et mes Frères, revêtez-moi d'un tablier blanc d'apprenti et renvoyez-moi dans le cabinet de réflexion, afin que de mon être putréfié et calciné puisse un jour en sortir la quintessence, dans une vraie réalisation de l'être.

J'ai dit

Georges CARPINTIERI

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LES OFFICIERS DE LA LOGE

Une Loge Maçonnique est administrée par un Collège d'Officiers, qui assume le rôle d'un vrai Conseil d'Administration. Ce dernier, présidé par le Vénérable Maître en chaire, règle toutes les questions inhérentes au fonctionnement de l'association de Frères et Sœurs composants la Loge.

On peut ainsi comprendre qu'un Officier mal choisi ou négligent, met en difficulté l'association, il manque à son serment et abuse de la confiance de ses Frères et Sœurs.

Dans le monde profane, un Officier militaire peut mettre en danger la vie de ses soldats par ses décisions et son attitude erronées ; un mauvais Conseiller d'administration peut provoquer la faillite de sa sociétémais dans le monde maçonnique on a tendance à penser que tout cela n'arrive pas et alors, puisque rien n'arrive en Loge, un Officier peut être négligent, absent, ignorant !

D'une part la fraternité et la tolérance régissant notre Initiation doivent nous faire dépasser ces fautes et nous amener à comprendre des Sœurs et des Frères incapables de tenir un engagement : c'est leur déterminisme, leur nature. D'autre part ce sera leur miroir individuel qui reflètera impitoyablement le ridicule dont ils se sont recouverts pour avoir voulu assumer une charge trop grande pour leurs capacités réelles. Il ne faut pas oublier que dans l'Initiation chacun est le juge de soi-même, mais que la Conscience ne rate jamais un jugement.

Si les Officiers semblent être aussi importants pour une Loge Maçonnique regardons de plus près leurs rôles, aussi bien administratifs et donc exotériques, qu'ésotériques.

Je traiterai ce sujet en me referant à la disposition « zodiacale » des Officier en Loge et aux rapports avec les planètes respectives, selon la théorie élaborée par le T Ill F Jacques BELLUROT.

La Loge est orientée selon les quatre points cardinaux et à chacun d'eux correspond un Officier. Nous pouvons, donc, affirmer que ces Officiers « orientent » la Loge. Il s'agit du Vénérable Maître, siégeant à l'Orient ; du Couvreur, dont la place est en face c'est-à-dire à l'Occident ; du 1 er Surveillant à la Colonne du Midi et du 2 nd Surveillant, siégeant à celle du Septentrion. Ces quatre Officiers définissent l'espace sacré d'un Temple Maçonnique, sacré parce qu'à son intérieur se déroulent toutes les cérémonies initiatiques maçonniques, mais aussi parce qu'ils sont, tous les quatre ensemble, responsables du principe de « simultanéité » initiatique, celui considérant qu'aucune action, profane ou initiatique, ne peut pas se matérialiser correctement sans le respect simultané de quatre absolus : Pouvoir, Savoir, Vouloir et Devoir. S'il s'agissait uniquement de réaliser ces principes de toute bonne gestion administrative, ce serait certainement plus simple que la réalité d'une Loge ne le montre...

Les choses deviennent plus complexes lorsqu'on rentre dans les considérations ésotériques et surtout au Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm, qui se refère explicitement à la philosophie spirituelle gnostique.

En effets les quatre Officiers délimitant l'espace matériel dans lequel l'initié doit évoluer lentement et avec persévérance, représentent les quatre éléments fondamentaux de la nature terrestre : la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu. Ces éléments sont propres aux signes zodiacaux du Capricorne, du Cancer, de la Balance et du Bélier, dominés par les planètes Saturne, la Lune, Vénus et Mars. Ces signes sont dits Cardinaux comme Cardinales sont les Vertus qui s'y rattachent :

Le Feu à la Force...le Bélier à Mars...le Couvreur à la Connaissance

L'Air à la Justice...la Balance à Vénus...le Vénérable au Pouvoir

L'Eau à la Tempérance...le Cancer à la Lune...le 1 er Surveillant au Devoir

La Terre à la Prudence...le Capricorne à Saturne...le 2 nd Surveillant au Vouloir

Ces quatre Officiers, piliers de chaque Loge maçonnique nous indiquent donc l'ancienne règle templière celle du VSPD (vouloir, savoir, pouvoir et devoir) c'est-à-dire :

« Un initié devra vouloir prudemment, afin que l'avarice ne s'empare pas de son être. Car l'envie de possession, sans mesure et sans partage conduit l'homme à la prison de la matière. Cette prudence s'acquiert par une solide et progressive connaissance : la connaissance de la vie, de la pensée, des messages symboliques, de la sensibilité artistique et de tout ce que la tradition transmet comme valeur universelle. Un savoir qui est la force motrice de toute évolution humaine et le propulseur sur le difficile chemin de l'Initiation. Un savoir qui ne laisse pas agir sous l'impulsion des passions, mais qui confère la maîtrise à celui qui sait attendre. Un savoir qui s'oppose à la paresse, par le travail continu et profond qu'il exige. Un savoir, enfin, qui offre le pouvoir d'agir en équilibre avec soi-même et avec les autres, donc en pleine justice ; non pas la justice du juge, mais l'acte juste, mesuré, pondéré. Ce dernier opposé à la luxure, faite d'image éphémère et fugace, fruit de nos désirs morbides et incontrôlés. La conscience de l'équilibre, du juste moment pour la juste cause, permet à l'initié de prendre pleine conscience des devoirs auxquels il ne pourra plus se soustraire, car il a désormais aperçu la Lumière. La vision de la lumière ineffable, pour laquelle chaque Maçon travaille avec force et vigueur, apprend à l'initié le sens du relatif et de l'absolu. En d'autres termes il ne peut plus se considérer comme le centre d'un univers personnel et limité à sa matière ; pour cela il commence à tempérer son esprit et à repousser la gourmandise, la compagne de la boulimie, aussi bien intellectuelle que matérielle. Il découvrira qu'il y a un temps pour tout : un temps pour étudier, un temps pour intégrer, un temps pour parler, un temps pour diriger, un temps pour obéir, un temps pour réfléchir et un temps pour sourire, un temps pour transmettre.

Cela va de soi que ces quatre rôles constituent les gonds de la porte initiatique et que leur valeur ne peut pas être sous-estimée ou prise à la légère sans détruire à jamais le sens profond de l'Initiation.

A ces Officiers représentants la simultanéité statique de la Loge, la pierre de fondation du Temple Maçonnique, il faut en rajouter trois qui rappelleront le temps et donc le devenir du processus initiatique.

Mais le Temps est un mystère, personne ne connaît exactement sa nature profonde au de là du temps relatif (scientifique) qui est la répartition en parties égales d'une rotation terrestre autour du soleil. Le Temps, comme devenir, est lié au mouvement, c'est-à-dire au jeu savant des forces cosmiques et de leur attraction réciproque. Alors il nous suffit de retenir l'idée de Dante que : « l'Amour fait bouger le Soleil et les autres étoiles » et remettre la notion de Temps au domaine métaphysique et inconnaissable.

Par conséquent nous ne nous étonnerons pas de voir les relations entre les trois Officiers restants et les trois Vertus Théologales, car par ces principes nous engageons les discours sur le Logos, le Verbe ou le Divin.

Les Officiers qui rendent une Loge Juste et Parfaite sont : l'Orateur, le Secrétaire et le Maître des Cérémonies.

L'Orateur, principe solaire, élément masculin, est le garant de l'esprit de l'Initiation. Il agit pour la fidélité au logos, au verbe créateur, au principe métaphysique. Sa rigueur ne sera jamais du rigorisme ou de l'intolérance, mais de la compréhension et de la synthèse. C'est ainsi qu'il ne cédera pas à l'orgueil, personnel ou collectif.

Le Secrétaire, principe lunaire, élément sensible et féminin, est la mémoire et la forme permettant la structuration du message initiatique qui accroîtrera le patrimoine traditionnel. Dans ses mises en forme la sensibilité inspirera toute action maçonnique et il la transmutera en charité, offrande sublimée et non aumône, matérielle ou intellectuelle. Pour cela le Secrétaire sera toujours très rigoureux dans l'usage des formes, car dans ce domaine sensible on risque à tout moment de céder à la sensiblerie et le formes éveillent en nous les envies, c'est-à-dire les pulsions incontrôlées de l'Ego.

Le Maître des Cérémonie a le rôle difficile de donner une impulsion à ces éléments en équilibre, afin que par le mouvement toutes les forces présentes puissent accomplir leur fonction dans un ensemble harmonieux. C'est lui qui donne le rythme, qui constitue le guide accompagnant chacun et chaque cérémonie. Sa maîtrise du mouvement, sa courtoisie, son sens du temps, constituent aux yeux de l'Initié autant de manifestation de cette perfection qui est l'espérance maçonnique pour un monde meilleur.

Tout est calme et contrôlé chez le Maître des Cérémonies, car il doit éloigner la colère, calmer les esprits et préparer chacun à la réalisation de l'égrégore commun.

Il reste encore deux principes, ils concernent la sublimation de l'être, que les Anciens hermétistes appelaient Vertus Sublimales : la Sagesse et l'Intelligence. Elles sont le résultat de la sublimation de ces sept principes précédentes.

En Loge ils sont représentés par l'Expert et l'Hospitalier.

Le premier, par l'intégration des connaissances les plus profondes et hermétiques, acquiert la sagesse de l'esprit. Il connaît le grand dessein, ses symboles et les rituels magiques permettant aux initiés de s'y conformer.

Pour cela il constitue le garde-fou du Vénérable Maître et son patrimoine.

L'Hospitalier est le but de l'Initiation : l'Intelligence du cœur, celle qui seule sait nous guider à travers les épreuves de notre déterminisme.

Les autre Officiers sont des compléments nécessaires au fonctionnement d'une Loge Maçonnique, mais ce qu'il faut retenir est que chaque rôle revêt son importance et est indispensable par son double sens : un côté administratif et extérieur, un côté ésotérique et caché. L'un est impossible sans l'autre. On ne peut pas accomplir ce qu'on ne connaît pas ou qu'on ne veut pas connaître, par paresse ou par incrédulité stupide, tout comme un raccourci simpliste empêche la démarche initiatique réelle. Alors laissez-moi terminer par une réflexion personnelle : si un homme veut être pompier pour l'uniforme ou pour avoir un gyrophare sur sa voiture, il faut prier beaucoup pour qu'il n'y aie jamais d'incendies !

J'ai dit

Georges CARPINTIERI

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SOLSTICE D'ETE

Aujourd'hui nous fêtons la St. Jean d'Eté ; St. Jean Baptiste ; le Solstice d'Eté.

Vous savez que j'attache toujours beaucoup d'importance aux relations existantes entre les symboles et la réalité, dont les premiers constituent une métaphore fondée sur un raisonnement. Le Temple maçonnique est aussi le Temple de la Raison, dans lequel on travaille à la recherche de la Vérité ; alors j'essaierai de traiter ce sujet en suivant un raisonnement qui puisse rendre hommage à la Vérité.

Au point de vue astronomique les solstices correspondent aux points particuliers en lesquels l'axe de rotation de la Terre est le plus basculé vers le Soleil ou à son opposé. C'est alors que l'écart est maximal entre la durée du jour et celle de la nuit (à 45° de latitude nord, le jour le plus court est de 8h 40mn, et le jour le plus long de 15h 30mn). Dans l'hémisphère Nord, le solstice d'été a lieu le 21 juin et le solstice d'hiver le 21 ou 22 décembre. Au solstice d'été, par effet de son axe de rotation, la Terre offre donc, la plus grande portion de la surface du globe à l'ensoleillement diurne. Cela veut dire qu'à compter du lendemain du solstice, les jours deviennent plus courts et on quitte la lumière extérieure pour la garder à l'intérieur de nous-mêmes dans une période d'obscurité. C'est la loi des cycles, à la période de lumière suit toujours une période d'obscurité ; à la richesse suit toujours la pauvreté ; au pouvoir suit la traversée du désert. C'est la lame X du Tarot de Marseille : « la Roue de la Fortune », à laquelle fait suite « la Force » que nous devons être capables d'acquérir pour évoluer dans l'initiation et ne pas sombrer dans l'oubli et le mépris des hommes. Un initié qui n'est pas capable d'assumer son humble isolement, qui ne sait pas renoncer à l'apparat et aux honneurs n'est pas digne de découvrir les Trésor cachés de la Gnose, car il abuse des formes pour pervertir les contenus de l'Initiation. A ce propos Thomas disait dans le Logion 93 :

« Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens,

de peur qu'ils ne le prennent pour du fumier.

Ne jetez pas les perles aux porcs,

de peur qu'ils n'en fassent de l'ordure. »

N'oublions pas que Jean le Baptiste, en parlant du Christ, disait :

« Il faut que Lui grandisse et que, moi, je décroisse »

C'est l'impitoyable loi de la nature, qui en été offre tous ses fruits à l'extérieur, afin de garder dans ses entrailles la grande quantité de lumière et de chaleur solaire estivale, qui se transformera en ce feu intérieur, représenté par la salamandre des alchimistes, capable de déclencher l'évolution des éléments générateurs de la vie à venir.

Si nous quittons le système de référence géocentrique, au profit de celui héliocentrique plus réel et non symbolique, nous nous apercevons que la Terre ne se trouve pas dans le signe du Cancer, habituellement considéré comme celui du solstice d'été, mais en Capricorne, c'est à dire celui de l'hiver. Autrement nous ne pourrions pas voir la constellation du Cancer. Or le Cancer symbolise la Vie, tandis que le Capricorne symbolise l'Homme. En réfléchissant quelques instants sur cette inversion, nous comprenons comme c'est indispensable de descendre dans la profondeur de nous-mêmes, dans notre isolement, dans notre Temple intérieur pour pouvoir regarder la Vie et tenter d'en dévoiler les secrets.

Conscients de cela revenons à notre vie d'été éclairée par un soleil souvent aveuglant. Ces parfums, ces couleurs, les fruits juteux, le blé sont les conséquences du mystère du dédoublement de l'Unité primordiale, que nous saurons saisir par l'accroissement de notre état de conscience. La conscience, donc constituera l'ambiance dans laquelle on mesurera l'ampleur du mystère de la Vie. Le mystère sera visible, exotérique, à travers ses manifestations solaires : cette production abondante, cette récolte nourrissante qui permet à la Terre mère d'offrir sa création, avant de se renfermer en une nouvelle gestation.

La Terre perd, alors sa connotation productive pour devenir l'élément propulseur du progrès évolutif des espèces : La Vierge Noire et son Enfant ; l'Isis de la régénération d'Osiris et de l'enfantement d'Horus. Tout cela ne se réalise pas par hasard mais par la capacité innée et acquise par l'être à faire « tourner la roue du moulin », à travailler avec modestie et persévérance dans l'amour pour l'art, qui par conséquent devient Art Royal. Ce type de travail, constant, infatigable, en profondeur et avec précision réalise l'homme et le met sur le chemin de son âme, en lui offrant la lampe, la lumière de laquelle éclairera la recherche de son Soi intime. C'est la lame IX du Tarot : l'Ermite qui cherche à connaître soi-même, car il peut voir la Vie en face.

Néanmoins il devra faire toujours les comptes avec son déterminisme, avec son karma, avec les plans insondables du destin, afin de pouvoir s'y conformer en conscience et retrouver l'harmonie universelle, dans laquelle il n'y a plus d'opposition ni d'opposants, mais uniquement des composants de la Beauté de l'univers. Cette Vérité unique libère les êtres légers et aimants vers les plus hauts sommets de la connaissance et de la conscience, tout comme la colombe peut se transfigurer en aigle et déployer ses ailes vers le Soleil. L'œuvre sera ainsi accomplie et on verra naître la Raison comme les rayons d'un Soleil nouveau, auquel le principe vital puisera sa perpétuelle transformation.

Dans le secret des entrailles profondes de la Terre, dans les bras de la Vierge Noire, au sein d'Isis, en traversant l'hiver obscur, l'initié saura trouver le sens de sa recherche et la force de ses choix.

C'est ainsi qu'en diminuant, il pourra grandir ; c'est ainsi que le phénix renaîtra de ses cendres. A la porte d'été succédera la porte d'hiver, une face de Janus en offrira une autre. Le Solstice d'été annoncera le Solstice d'hiver.

C'est l'espérance contenue dans ce jour particulier de l'année.

Que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient, que leur âme comprenne.

J'ai dit

Georges CARPINTIERI

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L’ALCHIMIE INITIATIQUE

Que vient-il faire ce mot Alchimie dans la Maçonnerie symbolique ?

Nous nous sommes engagés pour le triomphe de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, et non pas pour dépoussiérer des vieilleries telles que l’Alchimie.
Et pourtant, nous avons bien accepté d’être renfermés dans le Cabinet de Réflexion, avec son étrange décor.

            Nous avons, presqe tous, écrit un jour une planche sur le V\I\T\R\I\O\L\ ou sur la pierre occulte :  La Pierre Philosophale. Ne sont-ils pas des concepts et des raisonnements alchimiques ?

Le chemin initiatique doit nous conduire progressivement vers notre intériorité la plus profonde : ce Saint des Saints, dont ils parlent les anciennes traditions religieuses.

         Imaginez cela comme un Temple mystérieux, dont l’accès est difficile ; comme est difficile de cerner l’essence intime de toute chose.
Pierre Vincenti Piobb, un des plus grands ésotéristes que j’ai étudié, dit que ce Temple est celui de la Haute Science et que l’on peut y pénétrer par trois portes, voir par trios voies différentes : l’Astrologie, l’Alchimie et la Magie.

         Il s’agît de trois sciences anciennes ; celles que pratiquaient les Mages Assiro-Babiloniens ou les prêtres de l’Antique Egypte. La Franc-Maçonnerie moderne a gardé la voie Alchimique, qui bien évidemment n’est pas la technique pour créer  l’or.

         Qu’est-ce que cette voie Alchimique ?
L’Alchimie peut être considérée ‘‘une philosophie de la matière’’, dans le sens où elle étudie la disposition et l’interaction de l’énergie dans l’essence matérielle et terrestre de toute chose. En effet, l’Alchimie étudie la manière de séparer, dans un être humain, le fixe du volatil ; c'est-à-dire de le ramener à ses caractères essentiels, en le dépouillant de toute cette matière rajoutée qui est composée des acquis familiaux, de l’éducation, du milieu socioprofessionnel, de l’orgueil et des ambitions.
        
         Une plante à l’état de graine a, d’abord, besoin d’être ensevelie dans un sol bien riche et arrosé, afin que l’eau et les engrais, provenant de la pourriture organique, puissent en alimenter la métamorphose.
Ensuite, il lui faudra la chaleur du soleil, le cycles lunaires et un bon tuteur pour qu’elle pousse droite et en bonne santé. Mais il faudra, aussi, la tailler de temps à autre, pour que ses caractères intrinsèques s’épanouissent et qu’elle donne ainsi des fruits juteux.
Sa mission accomplie, la plante mourra et reviendra à la terre pour que le cycle recommence.
        
         Par analogie, l’Alchimiste considère que la matière humaine est assujettie au même processus.
L’Homme qui veut évoluer doit être, d’abord, capable de mourir à la vie passée ; à quoi bon vouloir évoluer si nous estimons d’être parfaits et dans le juste ?
C’est là un des problèmes majeurs de la Franc-Maçonnerie que d’affirmer : ‘‘à mon âge, vous n’imaginez pas que je vais changer !?’’
Cela veut dire affirmer sa propre perfection et vouloir entrer dans une organisation initiatique pour éclairer les autres : vaste programme… !!!
         Dans le cas contraire c’est de la pure stupidité ; car si je veux faire partie d’une association initiatique et progressive mais qu’en même temps je ne veux pas me soumettre aux devoirs rencontrés,  pourquoi payer une cotisation et acheter des décors alors que je serais bien mieux dans mon fauteuil, avec des pantoufles, devant la télévision ?

         Voici que la Franc-Maçonnerie propose une voie très particulière : celle de la transmutation des métaux en or.
Celui qui veut l’emprunter rentrera dans l’Initiation, celui qui refuse participera aux Agapes et payera les cotisations.

         Mai revenons à notre Initiation maçonnique.
Lorsque un profane demande à être initié FM, c’est que au fond de lui une énergie intérieure a commencé à alimenter un désir secret de changement.
Cette énergie va éveiller un certain travail intérieur, qui se manifestera par un intérêt croissant pour les lectures spécialisées, par des nouvelles relations dans les milieux initiatiques, jusqu’à la rédaction d’une demande de d’initiation.
         A ce moment, l’évolution intrinsèque est orientée. Ce qui reste sera extrinsèque, c'est-à-dire conditionné par ce que la vie initiatique nous présentera.
Or, si la vie initiatique offre la possibilité de bénéficier de la méthode alchimique d’évolution, les métaux constituant le profane seront transformés en or.
         Regardons cette méthode en relation avec les modalités mises en forme par nos Rituels.
Tout d’abord, le profane est introduit dans le Cabinet de Réflexion : une sorte de mort l’attend ; il doit abandonner tout ce qu’il a affectionné jusque là.
         Devant lui le Soufre, représentant la         forme, et le Sel représentant la matière. Cela veut dire que ce dont une chose est faite est différent de l’apparence de cette même chose .
Mais en même temps la forme, bien que fallacieuse ou illusoire, manifeste la vie de la matière. Or, cette vie est possible par quelque chose, dont la nature subtile relie la matière à la forme ; c’est comme dans l’atome : d’une part l’énergie intra-atomique (entièrement immatérielle) et de l’autre l’électron  (en quelque sorte matériel).
         Le premier principe ne peut s’appliquer au second qu’en vertu du médiateur ‘‘éther’’, qui permet la transmission de l’énergie intra-atomique à l’électron et ainsi déclenche le mouvement.
Pour les Alchimistes ce médiateur  que nous pourrions appeler l’esprit, est le Mercure représenté par le Coq.
Un néophyte, abandonnant la matière et ses formes multiples, revient à l’esprit. Mais il n’y a plus de mouvement, il se désagrège, il est calciné, c'est-à-dire séparé.

         A propos de ce stade du processus alchimique, P.V. Piobb dit :
« il s’agît d’une sorte de mort intellectuelle - que certains ont dite ‘‘La Mort du profane’’. Encore une manière de parler! –
En dehors du Temple, ce qu’on croit savoir est composé de maintes notions acceptées en vertu d’habitudes. En dedans, ces habitudes de penser doivent se rectifier et plusieurs aussi s’abandonner : la Raison humaine impose d’elle-même ces rectifications et ces abandons.
Il en dérive qu’un jour, si on suit avec profit les instructions reçues, on s’aperçoit que ce qui était « profane en soi » a disparu, évaporé : « le profane est mort ». (P.V.Piobb –  Clef Universelle des Sciences Secrètes – Omnium Littéraire, P      aris)

         Seul reste l’esprit du profane. Cette partie immortelle en lui, enfuie dans la terre lors de la première des épreuves initiatiques, devra faire germer une nouvelle plante.

         La vie naît de la putréfaction, du composte qui enrichi la terre, et qui est engendré par l’action de l’eau vivifiante.
Le 2° Surveillant, celui qui est chargé de former le nouvel Apprenti Maçon, purifie le profane avec l’eau. Toutes les Traditions font naître la vie dans l’eau ; pour cela on dit que « l’eau donne expansion à la matière ».
         Ici c’est l’eau lunaire, c’est la lumière réfléchie, celle que cet satellite reçoit du Soleil et distribue sur la terre en réglant ainsi les cycles naturels de la Vie.
         Les Alchimistes appelaient cet eau : « l’eau mercurielle », car pour eux le Mercure était l’élément liquide médiateur.
C’est le Mercure des Philosophes ; c'est-à-dire le résultat des conceptions intellectuelles, déversé sur le néophyte rentrant dans le Temple.

         Avec cet acte de purification par l’eau, le 2° Surv engage une relation réciproque entre les Maîtres, qui doivent être capables de transmettre des conceptions philosophiques, et le nouvel Apprenti qui doit s’ouvrir pour les recevoir.

         A ce stade du processus initiatique, le profane ne garde que ce qu’il y a de fixe en lui, c’est-à-dire sa structure primordiale intime, dépouillée des formes rajoutées par la vie matérielle dans le monde de son existence. Mais ce qui est fixe est mort : le profane, n’est-il pas passé par la mort du « vieil homme » ? N’a-t-il pas rédigé un testament philosophique ? Maintenant le 1er Surveillant insufflera la vie sur ce corps mort, sur ce fixe alchimique.
« In principium erat Verbum » dit Jean. Nous savons qu’en latin Verbum signifie Souffle…
         C’est l’épreuve de l’Air, qui confère une nouvelle force vitale à l’être. L’être « initié » devient ainsi « Solaire », c’est-à-dire capable de raisonnement intellectuel, quittant ainsi sa matérialité statique. Le néophyte est rentré dans la phase de la « Solution Alchimique » celle qui a toujours accompagné la « Putréfaction ». Une phase est Solaire, l’autre Lunaire ; l’une éclaire directement et donne force vitale, l’autre réfléchit une lumière indirecte, plus subtile et régulatrice de la vie. Nous apercevons ici une autre signification des deux luminaires (le Soleil et la Lune) présents dans nos Temples.

Ainsi le néophyte mort à sa vie profane, reporté à sa nature primordiale, après avoir reçu un souffle vivifiant, renaît en initié prêt à rentrer dans l’Athanor : la Loge, où il sera chauffé par le feu de la connaissance et de la Tradition, afin qu’il se produise en lui la distillation des idées.
Les Alchimistes imaginaient que la solution de la matière putréfiée pouvait être réchauffée dans un alambic, nommé Athanor.

L’Athanor était un vase clos renfermant l’être dans un « bain-marie ». Sa fonction consistait à faire évaporer l’humidité, qui montait le long des parois jusqu’au sommet, pour retomber sous la forme de petites gouttelettes.
« Il s’agit "de changer la nature et la propriété des choses". Ce que l’élève évolutif pense, ce qu’il retient de l’enseignement donné et dont son intelligence fait des idées, monte, comme une vapeur vers les hauteurs qu’il aperçoit, et de là, retombe comme une pluie bienfaisante, génératrice d’autres idées, pour incessamment remonter puis retomber, ainsi exercer l’intelligence, l’assouplir, l’affiner.
Mais le fait a lieu en « vase clos », ainsi que dans un alambic ; c’est-à-dire que les réflexions successives, qui « distillent » positivement la pensée, doivent se faire dans un cadre dûment délimité. Sans quoi, la rêverie l’emporterait et, plutôt que de suivre le droit chemin, on « déraillerait ». (P.V.Piobb –  Clef Universelle des Sciences Secrètes – Omnium Littéraire, Paris)

C’est le sens de la quatrième et dernière épreuve : celle du feu. Par cette épreuve, le Vénérable Maître annonce au néophyte le chemin qu’il devra parcourir, afin de parvenir à la « conjonction alchimique » de ses aspects contraires et opposés. Afin d’acquérir la sagesse, qui est équilibre et harmonie. Par le feu on lui montre l’accès au Temple, mais il doit être conscient qu’il n’y rentrera qu’après avoir parcouru et vécu, dans son intimité, tout le chemin. Car, comme en Alchimie, en Initiation il n’y a pas de raccourcis possibles, ceux derniers étant uniquement des tromperies et des mensonges, racontés à soi-même, pour se donner l’illusion d’être différent de l’image réfléchie par le miroir.

Nous avons passé rapidement en revue les quatre premières phases de l’Alchimie :

  • La Calcination, dans le signe de Gémeaux `
  • La Putréfaction, dans le signe du Cancer a
  • La Solution, dans le signe du Lion b
  • La Distillation dans le signe de la Vierge c

Lors de ces quatre stades du processus alchimique, on présente le Travail futur au néophyte et celui-ci s’y engage par serment, le serment étant symboliquement scellé par le sang. Mais un contrat a toujours deux parties contractantes : le Maître qui doit transmettre la Tradition Initiatique et le Néophyte qui doit la recevoir. La transmutation des métaux en Or ne se fait jamais seule, il faut un Alchimiste averti. Car dans les Sciences Secrètes aucune incompétence n’est admise ; les dégâts sont toujours irréparables, comme le dit bien Thomas :

Si l’aveugle conduit l’aveugle,
ils marchent vers la chute.
(Logion 34)

La chute sera horrible surtout pour celui qui a conduit, car il a agit contre sa conscience et comme le Vénérable Maître dit lors de la fermeture des Travaux de Loge : « c’est par la Conscience que nous sommes reliés au Divin ».
Lorsque cette notion de Conscience sera parfaitement intégrée, que l’Apprenti aura appris les rudiments de l’Art Royal et le maniement des Outils ; lorsque le Compagnon aura appris à parfaire l’œuvre, à concevoir des conceptions philosophiques avec rationalité et sensibilité ; lorsque le Maître aura appris à tracer les plans de l’Edifice Initiatique, alors seulement l’Initié pourra passer aux trois autres phases alchimiques (Conjonction, Sublimation, Coagulation) et transmuter ses métaux ; alors seulement il pourra dire d’être rentré dans le Temple et d’être un Initié à l’Art Royal.
La Tradition ésotérique enseigne qu’on rentre dans le Temple à 3 degrés du signe de la Vierge. Or comme le Bain-marie l’indique, la distillation qui a lieu dans ce bain, est dans le signe de la Vierge. Ceci confirme cela. Tant qu’il n’y a pas eu de distillation dans l’Athanor, on ne pourra pas concilier les contraires ; donc il n’y aura pas de conjonction, ni d’union du Frère et de la Sœur, phase essentielle pour transmuter le métal en Or. L’homme ou la femme demeureront dans leur état profane, ils auront aperçu la Lumière, mais ils ne l’auront pas reçue. Leur respectabilité profane sera intègre, mais ils ne connaîtront pas l’Homme Parfait, celui décrit par maintes ésotéristes, exaltés par les poètes tels Dante Alighieri ou représenté par l’Homme débout de Léonard de Vinci.

Georges CARPINTIERI

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MYTHOLOGIE ET INITATION

Le Rituel d’Initiation d’un profane est riche de références aux Mythes, tout comme la Franc-Maçonnerie fait continuellement référence à des Mythes : égyptiens, grecs, bibliques, chevaleresques.
Pourquoi ce souci d’un référentiel aussi particulier que la Mythologie ancienne ? Que représente-t-elle, cette science au croisement entre éthique, ethnologie, symbolisme, philosophie et art littéraire ? Ne pourrions-nous nous exprimer de manière plus directe et contemporaine, plutôt que de faire recours à la métaphore mythologique, souvent fondée sur une vision scientifique du monde désormais dépassée par les connaissances de la science positive ?
Pourquoi lors du dernier Convent, le Grand Maître nous a demandé d’amplifier les connaissances mythologiques ?

J’essaierai de donner une réponse à chaque question par l’analyse de la mythologie même.

Pierre VINCENTI PIOBB écrivait, à propos de la mythologie :
« Lorsque la Littérature aura cessé de tout exprimer sous la forme du roman – pourtant si souple et si ingénieuse qu’elle est susceptible de charmer et d’instruire à la fois – lorsqu’elle éprouvera le besoin de donner aux pensées une tournure plus utile et plus pratique pour le perfectionnement de l’humanité, elle reprendra, peut-être, les méthodes de l’Antiquité.
Celles-ci n’ont pas dit leur dernier mot – autant qu’il semble.
Certes, les Anciens, ceux de la Grèce, de l’Egypte et de la Chaldée – ceux de la Chine ancestrale également, ont su si bien raconter les histoires.
Il faut vraiment être un petit bourgeois dont les fibres cardiaques sont cuirassées d’une cote de la Bourse, pour ne pas saisir toute la beauté des mythologies du passé.
Ceux qui veulent y voir des traditions populaires sont ou des malfaisants ou des niais... »

La mythologie semble être différente et beaucoup plus complexe qu’un simple ouvrage littéraire.
En réalité la Mythologie est une méthode d’enseignement et de transmission d’un savoir fondamental pour la société humaine. (J’emploie le mot « fondamental » dans son acception étymologique, c’est-à-dire : fondement et non pas celle historique : important). On arrive à cette conclusion parce que dans l’histoire plurimillénaire de l’humanité, la mythologie a toujours exposé une métaphysique, liée à une conception cosmogonique, source d’une vision philosophique de la réalité. Par conséquent la métaphysique donnant naissance à une philosophie pouvait rassembler les hommes, voir les peuples qui se reconnaissaient dans cette pensée, dans une période spécifique et dans un lieu géographique donné.
C’était ainsi que les philosophies engendraient les religions, qui, loin d’être les croyances telles que nous les considérons aujourd’hui, avaient pour but la pratique d’une morale se rattachant à une condition éthique définie. C’était une manière de régler les comportements réciproques des composants d’une société humaine, afin de mieux vivre ensemble. Néanmoins étant un absolu philosophique concernant la « science du Bien et du Mal » pouvait être affirmé comme un dogme.
Et telle a été la situation du Christianisme, lorsqu’à partir du mythe du Christ, qui est l’histoire d’un Dieu devenant Homme, sa philosophie a voulu s’imposer comme mouvement politique pour remplacer l’Empire Romain.
Ce dernier avait toujours respecté les différentes cosmogonies, les différentes mythologies et les relatives philosophies, se limitant à la seule domination militaire et économique. Mais sa conception pluraliste de la philosophie devait se transformer en son pire ennemi, car elle n’a pas permis de faire face au dogme monothéiste, qui prétendait unifier les hommes en une unique vision du bien et du mal.
On entrevoit ici la complexité d’une conception mythologique et la nécessité d’en comprendre les mécanismes pour juger objectivement les phénomènes philosophiques, moraux, politiques de l’humanité.
Car pour schématiser, nous pouvons affirmer que : la mythologie est l’exposé d’une métaphysique. Cette dernière s’exprime par une philosophie qui relie les hommes dans une religion. La religion crée un dogme qui engendre une morale. La morale règle la vie d’une société. En remontant le parcours nous nous apercevons que toutes les société ont été bâties sur une fondation mythologique et que c’est la banaliser de la considérer comme un ensemble de traditions populaires ou de fables pour enfants.

Techniquement il faut faire une certaine différence entre un mythe, une légende et une fable. La distinction se situe au niveau du contenu, mais aussi sur la forme littéraire : la fable étant le récit le plus artistiquement conçu et le plus libre dans l’expression.

Le Mythe : le mythe peut être « constitutif » ou « relatif ». Il est constitutif lorsqu’il parle d’un Dieu et qu’il fondateur d’une religion. Il s’agira, donc, d’un mythe constitutif fondamental. C’est celui qu’il faut aborder lorsqu’on veut étudier une métaphysique. Par exemple le mythe de Vénus est constitutif, car il traite du principe d’attraction universelle, à l’origine de notre vie sur cette planète et une des forces fondamentales pour notre astrophysique. La religion de Vénus a été une des plus importantes de l’antiquité gréco-romaine.
Mais une religion est issue d’une philosophie et, en même temps, elle développe un positionnement philosophique, lequel a parfois besoin d’être précisé, surtout dans les rapports qu’il instaure avec la pensée fédératrice.
Pour faire cela le Mythographe fait recours au mythe constitutif accessoire, qui traite d’un dieu (voir d’un principe ou d’une force) en relation étroite avec celui du mythe fondamental.
Par exemple lorsque dans le mythe du Christ, donc de l’humanisation de la Divinité on doit faire référence à l’humus énergétique de l’être, à la terre nourrice, on introduit le mythe de la Vierge, à laquelle nous attribuons le processus matériel d’anthropomorphisation de la divinité abstraite.

Aux principes métaphysiques font suite les manifestations philosophiques, qui, ayant un rapport avec la psychologie humaine, peuvent (et souvent doivent) donner des directive éthiques. Or l’éthique est étroitement dépendante des coutumes traditionnelles d’un lieu géographiquement défini, d’un peuple. C’est le motif pour lequel parfois nous sommes amenés à confondre mythologie et ethnologie ou tradition populaire.
Deux autres types de mythes vont spécifier le mythe fondamental : il s’agit des mythes relatifs : celui moral et celui ethnique.
Le premier doit avoir une fonction éducative pour les individus, comme, par exemple, le mythe de Persée, fils de Jupiter et néanmoins sans qualité divine. Il s’agit d’un héros dont les exploits sont, pour les jeunes, un modèle à imiter.
Le deuxième a une fonction initiatique, afin d’enraciner les hommes dans la tradition culturelle de leur pays. C’est le cas d’Orphée, fils d’Apollon, et des mystères Orphiques, très importants dans les traditions initiatiques grecques.

La Légende : afin de détailler le mythe, les auteurs se servaient des affabulations, plus au moins artistiques. Ces affabulations prenaient la forme de légendes à caractère ethnique ou morale, en fonction de leur finalité.
L’affabulation consiste à utiliser une histoire vraie – ou susceptible de l’être – pour en faire un mythe. L’affabulation est donc l’adaptation mythique d’une réalité. Elle donne à penser que l’histoire racontée représente ce qui est susceptible de survenir dans la vie courante ; ou bien, ce qui constitue des faits qui se sont réellement produits.
Son rôle éducatif ne reste plus à être démontré, c’est presque une évidence.
La légende type est celle d’Hercule. On sait qu’elle a une réplique phénicienne, si bien que beaucoup ont pensé que le Héros grec avait été emprunté à Tyr. Ce n’est nullement nécessaire de supposer une importation mythique. L’Hercule grec et l’Hercule phénicien, que l’on voit en statue, sous le nom de colosse d’Amathonte, sont tous deux le même personnage légendaire dont l’existence se trouve racontée « à titre d’exemple généralisé » pour une raison touchant les questions métaphysiques, mais non pas concernant celles-ci.
Les légendes sont philosophiques et non pas religieuses.
La Fable : enfin les fables viennent compléter l’œuvre mythographique. La fable utilise uniquement l’invention ; aujourd’hui nous dirions le virtuel. Tout est possible dans les fables, où l’irréalité semble prendre concrétude par la forme artistique poussée. La fable a une finalité initiatique et d’élévation progressive de l’âme humaine. Elle fait appel au senti, au coté féminin de l’être, pour l’éveiller à la perception d’un domaine autre que celui de la réalité matérielle quotidienne. Elle fait appel à la vue éloignée, à la mise en perspective de la subjectivité individuelle. D’ailleurs elle s’adresse à l’individu et non pas à la collectivité sociale, car l’initiation est individuelle et pour elle l’humanité peut progresser dans son ensemble, par l’amélioration et l’élévation individuelle de ses composants.
La fable plus que les autres forme sus exposées fait recours au symbolisme et à la métaphore, et, comme le symbolisme, elle est faite pour toucher l’âme des individus.
Parfois les fables ont une seule source commune, comme les fables de La Fontaine, dérivées de celles de Phèdre, qui se refont à celles grecques d’Esope et aux Védas hindous. Mais le plus souvent elles sont indépendantes et enracinées dans des cultures spécifiques, comme Les Milles et une Nuit arabes ; Schéhérazade venant de Perse.
Mais toutes ont en commun une voie initiatique, des épreuves, la lutte entre le bien et le mal en chacun de nous, un dernier obstacle à franchir et la conquête finale d’une lumière qui éveille notre âme endormie sous les toiles d’araignée des habitudes et des lieux communs.

La Franc-Maçonnerie, comme toute autre société initiatique, bâtit sa structure éducative progressive autour d’un mythe fédérateur : celui de l’homme droit axé sur sa conscience d’être matériel et spirituel, masculin et féminin, humain et divin. Un homme sublimé après avoir été putréfié, mort et ressuscité. Or comme les différents peuples définis géographiquement avaient des mythes, des religions, des légendes et des fables adaptés à leur culture et à leur histoire, ainsi le Franc-Maçonnerie fait recours à des mythes interprétant des sensibilités particulières. On appelle ceux-ci des Rites.
Le Mythe constitutif fondamental au Rite de Memphis-Misraïm est celui d’Osiris, de la mort et de la résurrection.

Monsieur (Madame), s’initier « c’est apprendre à mourir » dans le Monde Antique ! La corde que vous portez dès cet instant au cou ne doit donc point, à vos yeux, revêtir de caractère infamant, ni vexatoire. Il ne s’agit point d’une inutile brimade. Cette corde symbolique n’est autre que l’image du lien fluidique reliant votre forme subtile à l’enveloppe charnelle que la Mort matérielle vous a fait abandonner. Quittant la Chambre de Réflexion et son appareil funèbre, vous traversez, ainsi qu’en un mauvais rêve, le sombre Amenti, l’Hadès, le Royaume des morts. Guidé par l’Hermès souterrain, conducteur des âmes dans l’Au-delà, vous vous dirigez en aveugle vers la Lumière ineffable, et ce sous sa seule conduite. Que ceci vous fasse pénétrer l’ésotérique enseignement de notre Rituélie : sans nulle intervention providentielle, sans quelque occulte et mystérieuse prédestination, il y a peu de chances pour que l’âme humaine, enténébrée, retrouve le chemin de sa Liberté première. Tel est l’enseignement formel de la Gnose...
Le Mythe constitutif accessoire est celui d’Isis : la force d’attraction universelle, qui arrive à rassembler ce qui est épars et apparemment perdu, par un amour inconditionné.

Nous vous faisons toucher la terre, notre mère à tous, que l'antiquité a nommée Déméter ou Isis. Souvenons-nous que nous sommes terre et que nous retournerons à la terre, n'oublions pas que la Vie et l'Amour sont une seule et même chose. Nos ancêtres ont écrit « l'Amour est plus fort que la Mort ».
Mais il y a aussi le mythe relatif d’Hermès, d’Agapée et de Séléné avec ses rites lunaires. Cet ensemble nous situe dans l’espace culturel d’Occident et dans la philosophie de l’enseignement progressif, basé sur le rapport entre Maître et Elève. C’est la différence fondamentale entre l’Initiation Occidentale et celle Orientale, cette dernière fondée plus sur la solitude et la méditation.
Monsieur (Madame), héritière des antiques cénacles ésotériques et occultes, la Franc-Maçonnerie a conservé le secret d'un très ancien breuvage, véritable philtre, composé de plantes cueillies à certaines époques lunaires, travaillées et infusées à certaines autres, et finalement consacrées selon les Rites millénaires. Ce breuvage a pour but de vous dépersonnaliser. Quelques semaines après son ingestion, inoffensive quant à la santé physique, votre personnalité passée se dissoudra lentement. Insensiblement, avec les jours, vous deviendrez un autre être. Lentement l'Egrégore qui anime et conduit notre antique Société, vous pénétrera, substituera sa volonté à la votre et, au prochain anniversaire de votre Réception, il ne restera plus rien de l'homme (la femme) que vous êtes actuellement. Vous ne serez plus alors, selon l'antique et très occulte formule que "pareil au cadavre que la main du laveur des morts tourne et retourne à son gré". Une dernière fois, Monsieur (Madame), consentez-vous à mourir à votre vie passée ?
Nous continuons la cérémonie d’initiation par l’introduction des fables initiatiques : celle des voyages sur le chemin ardu des épreuves et du combat contre soi-même ; contre sa propre carapace faite d’ambition, d’orgueil, de réminiscences d’un passé que l’on évite d’abandonner par commodité et, peut-être, par lâcheté. Notre cadavre nous est montré par terre avec un poignard dans le cœur : c’est le traître, mais non pas le traître envers l’Ordre, mais envers nous-mêmes. Nous serons vraiment des initiés, lorsque nous aurons su nous débarrasser de notre manifestation pour rejoindre l’unité essentielle de l’être. Les tâches les plus humbles nous attendent, sur le chemin de l’initiation. Saurons nous les affronter sans nous sentir lésés dans nos acquis sociaux ? Saurons-nous, directeurs de sociétés, chefs d’entreprises, juristes célèbres, servir les autres sans nous sentir abaissés au rang de bonnes. Saurons nous, ouvriers manuels, étudier les conceptions les plus ardues ? Voilà le sens éducatif et initiatique de la grande fable de l’initiation maçonnique.
Monsieur (Madame), puisque telle est votre volonté, quoi qu'il arrive, de devenir Maçon. Et que c'est librement que vous acceptez les conséquences de toute cette rituelie ésotérique, sur vous-même et en vous-même, il vous appartient donc de continuer votre lente assimilation à l'Âme de notre Fraternité. Tout à l'heure vous avez bu le Breuvage de l'Oubli, destiné à vous dépersonnaliser, à vous enlever tout volonté propre. Voici une seconde Coupe, celle du Breuvage de Mémoire, l'Eau de Mnémosymée… Quand vous l'aurez absorbée, votre possession sera totale, absolue. l’Âme occulte de la Maçonnerie tout entière sera passée en vous. En n'importe quelle région du Monde, vous ne ferez plus qu'un avec tous vos Frères et Sœurs. Leurs amitiés, leurs répugnances seront les vôtres. Alors que l'Eau d’Oubli faisait de vous un corps sans vie, sans volonté propre, l'Eau de Mémoire, fera de vous le Maçon militant, le véritable Enfant de la Veuve.
La légende clôture la cérémonie : celle de la veuve et de l’orphelin ; une histoire vraisemblable. Une histoire qui met le néophyte face à la philosophie maçonnique ; au concept plus difficile à intégrer : celui de l’amour inconditionnel ; de l’amour qui offre sans rien demander en retour ; qui accepte l’autre sans critique, tout simplement parce qu’il est issu de la même unité. Et c’est dans ce petit et simple geste de l’aumône que l’on glorifie la devise Liberté, Egalité, Fraternité, devenant pour toujours le guide lumineux de l’Initié.
Il reste un dernier Rite à accomplir, notre séculaire Fraternité a pris en charge le soutien d’une malheureuse Veuve et de son Enfant. C’est au nom de cette Veuve et de cet Orphelin que je vous demande de bien vouloir verser votre obole dans le Tronc de Bienfaisance. Frère (Sœur) Maître des Cérémonies accompagnez notre Frère (Sœur) Hospitalier auprès de notre nouvel(le) apprenti(e) afin qu'il (elle) lui verse son obole.
Mon Frère (Ma Sœur) nous savions que vos métaux ne vous étaient pas rendus. Si notre Frère Hospitalier a malgré cela été délégué près de vous, c'est pour vous montrer combien il est pénible de ne pouvoir secourir son prochain dans le malheur.  Frère Expert, veuillez rendre ses métaux à notre apprenti. Le tronc de bienfaisance circulera à la fin de nos travaux, vous y déposerez votre obole. Puisse, l’Initiation que vous venez de recevoir vous faire comprendre toute l’importance de cet acte de charité.
Pourtant, sachez que lorsque je vous ai parlé d’aumône en faveur d’une Veuve et d’un Orphelin, ce n’était pas d’une aumône matérielle, ni à des personnages de chair, que je faisais allusion…La Veuve et son Orphelin, entités-principes dont la Maçonnerie ne prétend être que la main agissante, et la servante fidèle, ne sont point de ce Monde ! Pour votre instruction présente, il importe que vous y voyez déjà bien autre chose. Dès à présent, admettez, si vous le voulez bien, qu’il s’agisse de l’Humanité toute entière, privée de son Animateur initial, l’Homme Total, et que le but de la Maçonnerie Humaine soit de rebâtir ce Foyer lointain où l’Humanité a grandi, où elle a connu le Bonheur ineffable. Et d’ores et déjà, vous concevrez que la nécessaire édification d’un Temple Social ici-bas, but immédiat de la Franc-Maçonnerie, se double, en des plans plus subtils et en des « Régions Spirituelles » fort lointaines pour la créature charnelle, de l’édification d’un autre Temple, parure d’un Jardin Mystique, au sein, lui-même, d’un Eternel Royaume et que la Franc-Maçonnerie dénomme l’Orient Eternel. Et ce Temple, c’est d’abord en nous-même que nous devons l’édifier, selon l’adage antique « OMNIA AB UNO ET IN UNUM OMNIA », soit : « Un est en Tout et Tout dans Un !» Les pierres de ce Temple sont nos possibilités . Il dépend donc de nous que par leur taille elles deviennent des Vertus morales, intellectuelles et spirituelles.
J’ai dit.

Georges CARPINTIERI

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L'ATHANOR

Le 14 Octobre 1974 la R Loge Athanor allumait ses feux au zénith de Bienne, sous l’impulsion du T S Frère Jean PY.
Qu’a-t-il à voir cet outil alchimique avec la Franc-Maçonnerie, qui pour certains se résume à la seule pratique des Rituels et pour d’autres à un entrelacement de rapports amicaux et cordiaux, alors que pour une minorité est un moyen de reconquérir une spiritualité consciente et un meilleur exercice de la Raison humaine ?
Pourquoi les Frères d’Athanor (à l’époque de sa fondation il s’agissait d’une Loge masculine) ont-ils fait référence à cette vieillerie qu’est l’Alchimie ?
Puisque vous tous connaissez mes penchants pour les sciences anciennes, et que j’ai la ferme intention de démontrer que le choix de mon Frère Jean ne peut pas être une vieillerie d’un « nostalgique d’un Paradis perdu », j’essayerai de vous faire apprécier la valeur initiatique de cet étrange et mystérieux appareil.

A propos de l’Athanor, nous trouvons la définition suivante sur le Dictionnaire Mytho-hermétique de Dom Antoine-Joseph Pernety, la meilleure référence dans ce domaine :
« En termes de Chymie vulgaire, est un fourneau ayant la forme d’un quarré, ou d’un quarré long, auprès duquel est une tour, qui communique à un des côtés par un tuyau. On remplit de charbons cette tour, on l’allume, et la chaleur se communique au fourneau par le tuyau. Je ne m’arrêterai pas à en faire une description plus détaillée, parce que chaque Chymiste la fait faire à sa guise. On lui a donné le nom d’Athanor par similitude au fourneau secret des Philosophes, qui conserve son feu continuellement et au même degré. Mais ce dernier n’est pas un fourneau de l’espèce de celui des Chymistes. Leur Athanor est leur matière animée par un feu philosophique, inné dans cette matière, mais qui est engourdi, et ne peut se développer que par l’Art. »

Nous pouvons diviser cette définition en deux parties : la première concernant l’aspect physique de cet appareil et la deuxième inhérente à la métaphore, ou au symbolisme de l’athanor.
Les deux parties ont une relation presque évidente avec l’Initiation maçonnique.

Quelle est la forme d’un Temple ?
A cette question, l’Apprentis nouvellement initié sait déjà répondre :
« Un carré long »
Ne serions-nous pas en présence de ce fourneau que l’on appelle Athanor ?...Je ne crois pas...cela est de l’Alchimie !
Et pourtant il faut bien traverser ce carré long pour rejoindre la tour, dans laquelle la chaleur réchauffera notre être.
Il aura fallu, au Néophyte, traverser tout le temple, parcourir le carré long, pour parvenir à la purification par le feu, chez le Vénérable Maître, lors du rituel d’Initiation.
Cela veut dire que par le feu, par sa chaleur, s’opère la séparation entre ce qui est profane et ce qui va devenir initiatique, entre la matière et l’esprit, entre les lieux communs et la maîtrise philosophique.
Mais ces textes « fumeux », au langage hermétique, aux images étranges et allégoriques, nous parlent de la même chose : d’une relation entre maître et élève, entre matière et esprit, entre l’or et l’argent, entre le mâle et la femelle, ce qui nous interpelle au plus haut niveau. Alors armons-nous de patience et regardons l’Alchimie.

Le processus alchimique est composé de sept phases différentes, au milieu desquelles on peut situer l’Athanor et son travail :

  • Calcination
  • Putréfaction
  • Solution
  • Distillation
  • Conjonction
  • Sublimation
  • Coagulation

La Calcination, toujours selon Dom Pernéty, est ce processus permettant l’évaporation de l’humide qui reliait les parties composants de l’être : la forme ou l’intellect et la matière. Les Alchimistes entendaient par là provoquer la mort du néophyte à son passé, à ses croyances, à ses idées préconçues, afin de lui ouvrir d’autres horizons : ceux qui l’auraient mis, un jour, en présence de la Lumière ineffable et éternelle.
Ces éléments, une fois séparés, étaient travaillés afin d’en extraire la quintessence en les sublimant.
Suit la Putréfaction, dans laquelle la matière se désagrège par effet du Tartre des Alchimistes, qui était considéré comme un « dissolvant général », malgré les différents Tartres des pharmaciens : sels résultants de la combinaison de l’acide tartrique avec des bases chimiques.
Mais en langage alchimique les choses sont un peu diverses, car tout est symbole, allégorie, métaphore. Le Tartrum des alchimistes vient du latin, par la composition de la consonne T, abréviation de Templum (Temple), avec Aratrum (charrue). Or dans certains dictionnaires de latin le R produisait souvent la contraction de la voyelle qui suivait cette consonne. Par conséquent nous trouvons aussi bien Aratrum et Artrum. Nous en concluons que le tartrum de la Putréfaction n’était que le T+Artrum, c’est-à-dire le travail sur nous-mêmes, symbolisé par la charrue sur notre terrain, et qui s’opère dans le Temple.
Une fois que tout ce qui était permanent a été dissout, la Solution peut s’effectuer. Dom Pernéty nous explique que « la Solution Philosophique est la conversion de l’Humide radical-fixe en un corps aqueux. Esotériquement cela signifie que tout ce qui est profane en nous, donc qui a le caractère fixe, se convertit en élément aqueux, c’est-à-dire de forme philosophique prêt à recevoir les idées nouvelles.
C’est à ce stade que l’Athanor intervient.
En effet cette nouvelle matière aqueuse doit être réchauffé à la chaleur de l’enseignement, afin qu’en évaporant, l’eau puisse monter des parois inférieures du vase pour retomber en gouttelettes des parties supérieures. C’est ce qui se produit dans nos alambics. Ainsi le mot Distillation prendre toute son ampleur.

A ce propos Pierre Vincenti Piobb nous dit :
« Il s’agit de changer la nature et la propriété des choses. Ce que l’élève évolutif pense, ce qu’il retient de l’enseignement donné et dont son intelligence fait des idées, monte, comme une vapeur vers les hauteurs qu’il aperçoit, et de là, retombe comme une pluie bienfaisante, génératrice d’autres idées, pour incessamment remonter puis remonter, ainsi exercer l’intelligence, l’assouplir, l’affiner »

C’est tout le processus initiatique qui est symbolisé par l’Athanor, et ceci montre qu’il n’y a pas de séparation entre les diverses sciences traditionnelles, surtout lorsqu’on veut faire de l’Initiation.
Regardons cela de près.
Les Alchimistes disaient de faire mourir ce qu’il y a de fixe en chacun de nous : c’est le cabinet de réflexion et l’Apprentissage qui en suit.
Au degré de Compagnon il faut former l’intelligence par la connaissance et la philosophie : c’est la solution et la distillation au feu régulier de l’Athanor.
Au grade de Maître, la conjonction nous attend : c’est le pas le plus difficile, car il nous ramène à une unité que nous ne pourrons pas saisir sans cette désagrégation préliminaire.

Il semble donc que l’Athanor soit là pour permettre ce passage difficile.

L’Athanor est aussi défini comme un « Vase clos», comme un alambic. Les Alchimistes disaient un « Vaisseau réchauffé par l’Athanor ». Or si un Vase est un Vaisseau et si un navire porte le même nom, c’est que les ésotéristes voulaient attirer notre attention sur cet ensemble d’étoiles de la constellation de la Vierge, dénommée aussi « constellation du Navire ». Zodiacalement ce signe de la Vierge est en face de celui des Poissons, symbolisant le mystère du changement de cycle, de la dualité qui ressort de l’Unité Première (le Verseau). Donc c’est bien dans le signe de la Vierge que la transmutation commence à s’effectuer par effet de l’Athanor. N’oublions pas que selon la tradition Compagnonnique le Vierge représente la Loge : encore une étrange relation entre nos pratiques et ces « vieilles traditions » !

Quant à l’Athanor, il a la forme d’une Tour. La tour mythologique, comme celle d’airain dans laquelle fut enfermée Danaé par son père Acrise, afin de l’empêcher de se marier parce que l’oracle lui avait appris que son petit-fils le tuerait ; cependant Zeus, changé en pluie d’or, pénétra par le toit de la tour et, ayant épousé Danaé, eut pour fils Persée qui, plus tard devenu grand, tua par accident son grand-père Acrise.
Sans l’aide de la mythologie et du grec, on ne comprendra pas l’Athanor.
A ce sujet, Pierre Vincenti Piobb nous suggère dans « l’Evolution de l’occultisme » :
« D’abord le mot Athanor rappelle le grec athanès qu’on trouve dans les dictionnaires comme se disant pour athanatos – adjectif signifiant « immortel » et plutôt « impérissable ». On en a dérivé athanos, qui est du mauvais grec et on a fait athanor pour évoquer par un calembour français « acte en or », car il s’agit de faire croire que l’on va fabriquer de l’or. »

C’est de l’hermétisme qui permet les plus grands envols lyriques et le plus grandes rêveries à tous ceux qui ne veulent pas connaître. C’est une manière de protéger la tradition de la profanation.

L’Athanor est en effet une Tour, une Tour Immortelle. Cette construction mythique, légendaire et aussi historique. On la retrouve dans le mythe de Danaé, dans la Bible avec la tour de Babel, dans les chansons enfantines. Mais elle est aussi la dernière et tragique prison de Jacques Molay et des derniers Templiers : la Tour du Temple à Paris. Elle a marqué la fin des Capétiens, comme celle de l’ancien régime.
C’est la Tour éternelle dans laquelle on chauffe ceux qui veulent évoluer, se perfectionner. Elle indique les grands changements.

Revenons encore une fois à la mythologie.
Danaé personnifie notre globe, la Terre. Son nom est dorien ; en ce dialecte grec on disait dan pour qui signifie « la terre ». Danaé est terrestre, concrète par conséquent. Elle est fille d’Acrise dont le nom veut dire « le sommet ». En parlant de Danaé, on exprime donc ce qu’on peut concevoir comme concret et terrestre en dérivé des hauteurs philosophiques. Or, il demeure indéniable que consécutivement « ceci tuera cela », - ainsi que disait Victor Hugo. Le concret, constaté et pratique, tue toujours l’abstrait, imaginé et théorique. Acrise devait être tué par le fils de Danaé – Persée, un Perse quelconque, autrement dit, un « mage » puisque pour les Grecs tous ceux qui s’occupaient de la Science Magique étaient Pérsans ou suivaient les doctrines persanes.

Le mythe de Danaé indique que toute considération pratique de cette philosophie très élevée – laquelle constitue un enseignement utile pour l’évolution individuelle- doit s’envisager en raison de cet enthousiasme, encore aujourd’hui dénommé « chaleur », dans un cadre correspondant métaphoriquement à une tour. Ce cadre a un caractère immortel, parce qu’il est toujours le même à toute époque : l’Initiation. Comme conséquence –et par filiation de cet enseignement- ce qui est purement théorique disparaîtra pour faire place à des considérations pratiques : c’est le progrès de l’Humanité.
Ceci se produit par le fait de la distillation. Car l’élève évolutif « chauffé » par ses instructeurs, voit retomber sur le cadre des matières enseignées une « pluie d’or », une pluie au caractère Solaire, car l’or représente le Soleil : l’intelligence en action dans notre microcosme, comme l’action du Soleil est l’animatrice du macrocosme dont nous faisons partie.
Cette pluie d’or, dit le mythe, n’est autre qu’une métamorphose de Zeus dans son désir de séduire Danaé. C’est vraiment une essence de réflexions intimes, incitant à des applications concrètes de la théorie philosophique, que Jupiter, dit en grec Zeus, va rendre fécondes. Et Jupiter est en domicile dans le signe zodiacal des Poissons opposé à celui de la Vierge où se situe la distillation. C’est bien Jupiter qui déverse sa pluie dans la Tour de l’Athanor.
De là naîtra Persée, un mage comme ceux de Perse, qui opérera de manière pratique, abstraction faite de toute théorie, dans un but utilitaire pour soi-même et pour l’humanité.

N’est-ce pas le cycle de l’Initiation, le serpent qui se mord la queue, l’Ouroboros de notre Rite ? Séparer les éléments, décomposer la matière, distiller l’esprit essentiel des choses, les faire sublimer dans une nouvelle et retrouvée unité.

« OMNIA AB UNO ET IN UNUM OMNIA », soit : « Un est en Tout et Tout dans Un !»
J’ai dit.

Georges CARPINTIERI

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LES DEUX COLONNES

 « Il dressa les colonnes sur le devant du Temple, l’une à droite, l’autre à gauche : il nomma celle de droite Jakin, et celle de gauche Boaz…» (Les Chroniques, II – 3 – 17)
« Il fabriqua les deux colonnes en airain ; la hauteur d’une colonne était de dix-huit coudées et un fil de douze coudées mesurait la circonférence de la deuxième colonne. Il fit deux chapiteaux d’airain fondu, pour les placer sur les sommets des colonnes ; la hauteur d’un chapiteau était de cinq coudées et la hauteur du deuxième chapiteau était de cinq coudées. Il y avait des treillis en forme de réseaux, des festons en forme de chaînettes, aux chapiteaux qui surmontaient le sommet des colonnes, sept à un chapiteau, sept au deuxième chapiteau. Il fit deux rangs de grenades autour de l’un des treillis, pour couvrir le chapiteau qui surmontait l’une des colonnes ; et de même fit-il pour le second chapiteau. Les chapiteaux qui étaient sur le sommet des colonnes, dans le portique, figuraient des lys ayant quatre coudées de hauteur. Les chapiteaux placés sur les deux colonnes étaient entourés de deux cents grenades, en haut, près du renflement qui était au-delà du treillis, il y avait aussi deux cent grenades rangées tout autour sur le second chapiteau. Il dressa les colonnes au portique du Temple ; il dressa la colonne de droite et la nomma Jakin ; puis il dressa la colonne de gauche et la nomma Boaz. Et il y avait sur le sommet des colonnes un travail figurant des lys. Ainsi fut achevé l’ouvrage des colonnes.» (1er Livre des Rois, VII)
Yann Druet dit : « …le premier pas se fait en Jakin et Boaz… » (Le Chantier de Maître Hiram – Ed. Tredaniel)
Ces deux colonnes revêtent un rôle de première importance dans la symbolique maçonnique ; peut-être, c’est pour cela que beaucoup d’encre a coulé à leur sujet et notamment sur la question de leur juste place.
Sont-elles à l’intérieur ou à l’extérieur du Temple ? La Grande Loge Unie d’Angleterre et le Rite Ecossais placent Jakin à droite et Boaz à gauche ; tandis que le Rite Français inverse leur place, peut-être dans son souci permanent de se différencier des Anglais et d’en être plus régulier ! Celui ou celle qui voudrait voir dans cette diatribe un mystère initiatique, une voie cachée vers la connaissance suprême, il serait fort déçu et il gaspillerait certainement son temps. Car il s’agit de querelles d’églises, même si elles s’appellent Obédiences Maçonniques…!
N’oubliez pas que « lorsque le sage indique la lune, le sot regarde le doigt ! »
L’emplacement des deux colonnes n’a aucune importance, si l’on ne se pose pas la question de leur signification.
J’essaierai, donc, de commencer par-là et vous pourrez constater que leur symbole est très complexe, mais qu’il recèle en son sein l’essence même de l’Initiation.
Un couple de colonnes a toujours marqué l’accès vers un autre espace. Par exemple les Colonnes d’Hercule définissaient l’espace du monde réel, physique, des vivants, par rapport à la réalité inconnue du monde post-mortem, l’au-delà, le mystère. Les colonnes ont toujours marqué cette ligne fictive que nous appelons « limite » et au de la de laquelle nous devons être capables de faire face à un état différent de celui d’où nous provenons. Les colonnes contiennent le sens de l’épreuve.
Pourquoi, donc, la Franc-Maçonnerie les a introduites dans le Temple, alors qu’elles auraient dû en marquer le seuil ? Quelle tradition, est-elle véhiculée par ce symbole ?
Le seul texte situant les colonnes à l’intérieur est le Livre des Morts de l’Ancienne Egypte. Lorsque l’âme se trouve devant le Tribunal du Véridique, elle est questionnée sur les noms sacrés de tous les éléments architecturaux constituant la salle du Temple, et parmi ces noms il y a ceux des deux colonnes à l’intérieur. La connaissance des noms sacrés signifiait la possession des mystères. Or si nous considérons que les deux Colonnes bibliques étaient en airain et creuses, cela confirme cette fonction de « coffre des secrets ».
Le but consiste, donc, à comprendre la nature de ce secret caché par les colonnes. Essayons, tout d’abord, d’analyser leur forme et leur appellation. A partir du 1er Livre des Rois, chapitre VII, nous pouvons partager la description reportée par le F
Jules BOUCHER, à savoir :
Les Colonnes n’avaient pas de base. En effet l’Histoire de l’Architecture montre que la base de la colonne est introduite en période Ionique, c’est-à-dire vers le 300 avant J.C. Donc les colonnes du Temple en étaient dépourvues, étant beaucoup plus proches de celles égyptiennes ou mycéniennes. Leur hauteur mesurait 18 coudées judaïques, c’est-à-dire 18 x 0,525m = 9,45m ; suivait un espace entouré de 7 rangées de chaînes contenues par deux rangées de 200 grenades ; l’ensemble mesurant 5 coudées, donc 2,625m. La colonne était surmontée d’un chapiteau floral en forme de lys ; ce chapiteau était haut de 4 coudées, soit 2,10m. Nous pouvons supposer avec un certain réalisme que les colonnes mesuraient 27 coudées, c’est-à-dire 14,175m.
La Bible rajoute que la circonférence à la base mesurait 12 coudées ; selon la formule : C = 2Rπ, c’est facile de calculer le diamètre : 2,006m. En tenant compte de ces calculs, nous nous apercevons que les colonnes du Temple étaient assez semblables à celles du palais de Knôssos : la hauteur jusqu’à la base du chapiteau était égale à 6 fois le diamètre de la colonne. Il faudra attendre l’époque dorique pour qu’elle s’élance, en devenant 7 fois le diamètre.
Tout ceci pour donner un aperçu matériel des colonnes. Intéressons-nous maintenant à leur nom : Jakin et Boaz.
Ces noms s’écrivent en hébreu avec les lettres Jod – Caph – Jod – Nun : יכינ (Jakin) dont la valeur numérique est 90, donc correspondant à un polygone de 9 côtés construit sur les sommets d’un double pentagone. Selon le symbolisme géométrique nous sommes face au miroir énergétique qui se met en action entre les sens de chaque être et ceux du milieu ambiant. Il y a jeu de forces sur le monde émotionnel et sensible.
Boaz s’écrit avec les lettres Béith – Aïn – Zaïn : בעז  ; leurs valeurs numériques donnent 79, qui peut être reduit à 7. Ce dernier est un nombre évocateur qui nous renvoie au dodécagone, soit au système rationnel des douze idées. Nous entrevoyons déjà une partie de la démarche initiatique.
Toute connaissance nous vient des sens ; elle nous produit des émotions intérieures plus ou moins fortes, par réaction au milieu qui agit sur l’initié. C’est le Cabinet de Réflexion, le V.I.T.R.I.O.L., les épreuves rituelles suivies d’une longue période de silence et d’observation. Ensuite il y a le Compagnonnage, pendant lequel l’initié doit se construire rationnellement, comme seul un bâtisseur sait le faire. Il est appelé à connaître, à mesurer, à maîtriser les émotions afin d’acquérir une vraie sensibilité au monde de la connaissance et à repousser toute sensiblerie fallacieuse. Il doit intégrer le savoir acquis et non pas dériver dans le rêve éveillé. Je suggère aux Compagnons et aux Maîtres, de se questionner sur la relation entre ces concepts et les notions mathématiques d’intégrale et de dérivée…!
Les Colonnes d’Airain, que peuvent-elles contenir encore dans leur creux ?
Une indication intéressante nous est fournie par leurs initiales hébraïques : Jod י et Béith ב .
Le Jod, dixième Lettre-Force de l’alphabet sacré hébraïque, représente un retour à l’Unité ; il est en quelque sorte un Aleph א intériorisé. La Source de Vie représentée par la lettre Aleph, qui est le germe de toute chose, devient en Jod une Force Agissante, qui nous stimule de l’intérieur, qui nous donne la possibilité de créer. Le Jod établit en nous la base rationnelle pour comprendre la mécanique de l’œuvre. Tout initié qui n’a pas construit ce côté Jod, qui n’a pas intégré Jakin, sera certainement très fraternel, mais il continuera à errer sur les Parvis du Temple, faible proie de ses émotions et de ses passions. Jod est un élément Air créateur et transformateur. Dans le monde matériel il représente la phase dans laquelle les graines de la Pensée, transportées par l’Aire, sont aspirées et incorporées dans l’organisme.
La lettre Béith est la deuxième et représente la condensation des acquis, l’intériorisation de la Lumière. Pour que l’énergie puisse se manifester, à n’importe quel niveau, elle doit passer par une phase d’intériorisation et de condensation. Cette condensation de la Force Primordiale produit l’Amour. Au niveau humain c’est un amour non révélé, mais qui en agissant de l’intérieur nous fait avancer sur le chemin de l’œuvre, et nous serons ainsi fidèles au devoir. La lettre Béith symbolise la maison, le réceptacle de la force créatrice Jod.
Selon ce symbolisme des lettres, l’initié devrait passer d’abord par Jod, entité masculine, force productrice, rationalité dans la connaissance, ensuite, lorsqu’il saura lire et écrire, il pourra approcher Béith, élément féminin, éveil de l’Amour non plus passionnel, et bâtir sa Maison, son Temple Intérieur dans lequel le travail de la force créatrice se développera aisément.
Cette analyse, même si elle est sommaire, ne peut pas éluder un dernier aspect de ces symboles, évoqué conjointement par la forme et les noms hébraïques.
Une règle fondamentale en ésotérisme est celle qui consiste à inverser les mots, afin d’en crypter la signification (comme le dit justement Jules BOUCHER). Les deux colonnes se nomment Jakin et Boaz ; en inversant ces mots nous obtenons : NiKai et ZaoB. Or dans la tradition linguistique sémitique, seulement les consonnes ont une importance, les voyelles pouvant être même omises. Donc il faut retenir de ces noms : pour Jakin, NK, Nun et Caph signifiant « le coït », l’acte sexuel et générateur. Pour Boaz, ZB, Zaïn et Béith signifiant l’organe fécondateur, « le phallus ».
Les Colonnes semblent évoquer un symbolisme sexuel de génération et fécondation. Avant d’avancer des conclusions définitives, examinons leur forme attentivement.
Dans toutes les traditions anciennes, les cylindre élancé est une représentation phallique ; tout comme la grenade est associée à l’ovaire générateur. L’association de ces deux symboles ne pourrait pas être plus explicite. Enfin, les chapiteaux sont des lys. Cette fleur n’existe pas à la latitude du Moyen Orient ; dans ces pays on appelle lys l’anémone, auquel on attribuait une valeur sexuelle et érotique. Cette fleur a été remplacée par le lys blanc, qui dans la tradition occidentale revêt le double symbolisme de pureté (le blanc) et de fécondation, exprimée par les pétales s’ouvrant à des étamines très prononcées, ainsi que par son parfum enivrant, considéré aphrodisiaque.
Cet ensemble de formes évocatrices, confirme bien le rôle des Colonnes : la fécondation et la génération. La génération d’un nouvel être dans chaque initié, qui fait son premier pas entre Jakin et Boaz après être sorti du Cabinet de Réflexion avec son décor mortuaire. Cet aspect lié à la génération d’un nouvel Homme est confirmé par la relation entre les Colonnes et les Sephiroth de l’Arbre de Vie de la Kabbale.
La colonne Jakin correspond à Netzah et Boaz à Hod, formant une triade avec Jésod, qui est considérée par les kabbalistes comme l’élément générateur et fécondant.
Netzah – Hod – Jésod se trouvent à la racine de l’Arbre. C’est la triade qui permet à l’être humain de se manifester une fois quittée son animalité. Netzah fournit l’énergie nécessaire aux différentes fonctions internes et externes. C’est une force qui permet l’attraction et la répulsion, le flux et le reflux du désir. Elle transmet aussi l’énergie à Hod, qui exerce ainsi la volonté et le contrôle dans les actions : les émotions, les désirs, les passions éveillées en Netzah sont maîtrisées par Hod. Il s’agit des deux colonnes que les Orientaux appellent Yn et Yang.
L’énergie remonte depuis Malkout et canalisée en Jésod le transforme en agent fécondant. Ainsi l’être devient réalité matérielle et intellectuelle, dans un balancement continu entre les sens et la raison, entre l’élément masculin et celui féminin.
Le travail d’initiation consistera à équilibrer ces deux polarités, afin de donner naissance à la Beauté, qui ne sera pas l’esthétique, mais l’Harmonie sublime créée par la Force et guidée par la Sagesse.
Cette Sagesse fait de nous des vrais initiés et certainement pas le fait de savoir si Jakin est à gauche ou à droite. Nous devons connaître les noms secrets, c’est-à-dire l’essence intime de ces Colonnes si nous voulons franchir le Tribunal du Véridique, comme dans l’Ancienne Egypte.

Georges CARPINTIERI

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LE SOLSTICE D’ETE

Le temps relatif de notre existence humaine est scandé par quatre phases du parcours apparent du Soleil : les deux équinoxes (printemps et automne) et les deux solstices (été et hiver). Sans ces quatre phénomènes astronomiques, la vie de l’homme sur terre serait certainement différente, car toute notre existence a été rythmée par cette cadence quaternaire.

            Nous pouvons supposer que l’homme primitif a observé, un jour, le mouvement apparent du Soleil : lever, zénith, coucher et que, par la suite, après un moment de frayeur pour la disparition de ce luminaire, il ait imaginé que l’astre de vie faisait un demi-tour dans un monde obscure, pour renaître au premier matin.

Ces réflexions, accompagnées de l’observation des ombres, de longueur différente, sur le sol, ont pu être fixées par des marques sur le sable, par exemple. Alors une forme géométrique est vite apparue : le cercle reliant tous les points observés ou imaginés. La géométrie était née et, avec elle : la gestion du temps et de l’espace, par les rapports angulaires entre les points observés. Ce n’est pas de l’histoire, mais cette version des faits est certainement très proche de la réalité.

Le cercle imaginaire, reproduisant le lever, le zénith, le coucher et le nadir du Soleil, est à l’origine de l’organisation spatiale et  temporelle de la société ; mais il est aussi le fondement des mythologies et des croyances religieuses de l’homme. En effet le mouvement apparent du Soleil, qui a été décrit sur un cercle, suit les mêmes lois géométriques aussi bien sur un cycle de 24 heures que sur celui de 365 jours, soit 8760 heures. Nous pouvons encore symboliser, avec cette méthode, le cycle de vie de chaque être sur terre : naissance, âge mûr, mort, et…suite.

L’homme découvrait ainsi la loi d’analogie et avec elle le raisonnement philosophique et initiatique. Il s’agit encore une fois d’une hypothèse d’étude, mais, de toute façon, l’Initiation Maçonnique (et même toutes les autres) s’y conforme.

Nous voici, donc, dans une période astronomique qui correspond à une de ces quatre bornes de la pensée humaine : le solstice d’été.

Je vous donne de suite une série de définitions se rattachant à ce phénomène.

ASTRONOMIE :
Le point de l’orbite terrestre où la Terre est la plus proche du Soleil. L’étoile autour de laquelle elle tourne en 365 jours et 6 heures environ.
A cause de ces 6 heures, la date du solstice ne peut pas être toujours la même dans notre calendrier Grégorien. Le 24 juin est, donc, une date purement symbolique.

ASTROLOGIE :
A cette époque le Soleil se lève dans le signe du Cancer. Ce signe étant un signe d’eau et de caractère féminin, il symbolise le principe vital dans sa manifestation mûre, la même que l’on peut observer dans la nature à cette saison.
La Vie, en tant que principe absolu, n’a pas d’âge, elle est en dehors du temps et de l’espace, donc elle est mûre. L’existence, au contraire, est liée au temps et relative à un espace précis. Or les astrologues nous suggèrent que lorsque le Soleil se manifeste, il est déjà en phase descendante. Pourtant son principe générateur était déjà contenu dans les eaux fécondantes, principe féminin par définition.
Ce mystère de la Vie était transmis par les Initiations antiques, qui considéraient la femme comme un des pivots de l’élévation spirituelle.

ETYMOLOGIE LATINE :
Sol – stare. Ce qui signifie : le Soleil s’arrête.
En réalité jusqu’au solstice d’été, les heures de lumière ont augmenté et celles d’obscurité se sont réduites.
Mais après ce fatidique solstice le processus s’inverse ; les anciens ont donc pensé que cet astre s’arrêtait pour amorcer sa descente.

            Venons-en maintenant aux significations que ce phénomène assume dans les anciennes Sciences Sécrètes.

ASTROLOGIE INITIATIQUE :
Dans ce type d’astrologie le cercle du Zodiac se lie à l’envers, c’est-à-dire que le Capricorne est le 4° signe en bas et le Cancer le 10° signe en haut. Ces deux signes constituent les extrémités d’une seule verticale dans une relation de cause-effet. On lit ainsi : « la Vie (Cancer) est le principe qui cause dans l’œuvre (Bélier) une manifestation donnant comme résultat l’homme (Capricorne). » Il y a, donc, des conditions majeures pour l’existence humaine : l’activation d’un principe vital et la verticalité en un point de l’espace concerné.

ALCHIMIE :
Le stade du processus alchimique correspondant au solstice d’été est la Putréfaction par l’eau mercurielle, c’est-à-dire la dissolution des idées préconçues et des lieux communs par l’œuvre des philosophes. Ce travail consiste à ramener l’être à son principe fixe intime, afin de lui insuffler une nouvelle vie et de le pousser jusqu’au summum de ses possibilités structurelles.
Après cette phase solsticiale, l’être humain se manifeste dans sa vraie nature.

MAGIE :
En Haute Magie le solstice d’été correspond au stade où l’énergie avait le nom hébraïque : Haschmalim (Dominations).
Au point Gémeaux l’énergie universelle se condense et en Cancer il y a une retransformation de l’énergie générale. Elle « domine » c’est-à-dire qu’elle étend son pouvoir actif dans les diverses parties dont se compose hiérarchiquement l’Univers.
Les énergies acquièrent ainsi une Puissance dans le signe du Lion, où nous pouvons en appeler les personnifications. C’est cette puissance qui permet à l’énergie de muter en force utilisable : Malakim (Vertus).
Le monde végétal, n’offre-t-il pas ses productions après le solstice d’été, lorsqu’il a acquis le maximum de l’énergie solaire ?

SYMBOLISME :
Le solstice est symbolisé par Janus, la divinité bicéphale, le visage blanc et noir. Ou encore par les deux portes : celle d’hiver et celle d’été. Plus proche de nous, dans la tradition chrétienne, par Jean Baptiste et Jean l’Evangéliste.
En symbolisme astrologique par le Cancer, indiquant le système de circulation de l’énergie vitale, et le Capricorne, marquant un nouveau départ.
Il s’agit toujours de symboles de passage d’un stade à un autre ; et en même temps de la circulation énergétique nécessaire à toute forme de vie.

MYTHOLOGIE :
En mythologie le solstice d’été, que nous avons vu être représenté par le signe du Cancer, est caractérisé par Hécate la déesse aux trois visages.
Hécate, nous racontent les mythographes, est le principe vital, qui se matérialise dans les nombreuses manifestations de la vie dans l’Univers.
Elle est la conséquence de l’énergie appliquée à l’espace et au temps.
Enfouie dans la terre, au rythme des mois d’hiver et du printemps, alimentée par les eaux souterraines et la chaleur grandissante du Soleil, la Vie explose et se manifeste au solstice d’été. Après cette période les fruits commencent à mûrir, afin d’être offerts aux hommes et aux animaux dans un perpétuel renouvellement.

         Un fil conducteur commun relie toutes les interprétations de ce phénomène astronomique qu’est le solstice d’été : la Vie et son Mystère.
        
         On aurait tendance à affirmer que la vraie vie est celle en puissance, la souterraine, celle que l'on ne voit pas. En réalité ce qui est manifesté aujourd’hui était contenu hier dans un autre élément. A ce propos il faut bien distinguer Vie et Existence : la première est un principe absolu et transcendant la matière ; la deuxième est le fruit de l’action du premier sur l’espace et réglé par le temps. Pouvons-nous imaginer une existence quelconque en dehors d’un espace physique ou métaphysique ? Certainement pas. C’est le motif qui a poussé l’homme à créer des Dieux, afin de pouvoir accéder plus aisément à l’Unité en dehors du temps et de l’espace.

         Or l’Initiation Maçonnique, et notamment le Rite de Memphis-Misraïm, qui est de nature vibratoire, fait recours à l’analogie alchimique de la putréfaction pour faire saisir toute l’importance de la Vie dans la profondeur de l’être. Cet énorme potentiel que chacun de nous possède et qu’il faut alimenter avec la chaleur et la lumière de la pensée philosophique, afin qu’il produise des fruits de toutes espèces.

         Mais la putréfaction appelle inévitablement la mort des formes successives. C’est le prix demandé par le progrès.

         Dans l’Initiation tout se passe ainsi : un mauvais apprenti donnera un mauvais maître ; des mauvais maîtres donneront une mauvaise initiation. Pour cela il y a des périodes où elle doit se replier sur sa nature intime, afin de se régénérer. Elle sera, donc, ésotérique, c’est-à-dire cachée, elle confiera la tradition à des élites chargées de la transmettre, et maintiendra sa philosophie à travers des transmissions symboliques concrétisées dans la matière. C’est le noble rôle des Compagnons bâtisseurs, que faire vivre l’Initiation par delà le temps.

         Mais comme Homère le fait dire à Andromaque dans l’Iliade :
« Un jour viendra où les tours sacrées d’Ilion tomberont… » Ilion renfermait la Beauté (Hélène). Le Tarot nous apprend qu’à l’instar de la lame XVI (la Tour / Maison Dieu) il faut renverser la Tour pour faire progresser la Vie et faire apparaître la Beauté. (A la lame de la Tour, fait suite celle de l’Etoile : la lame XVII).

         C’est ainsi que Jean Baptiste dit, à propos de Jésus : « Il faut que je décroisse pour qu’il puisse grandir ».

         Un jour, j’en suis sûr, la philosophie se joindra à l’action, les Francs-Maçons se tiendront par la main avec les Compagnons, l’Initiation sera à nouveau Exotérique et nous aurons traversé l’été éphémère des formes et des couleurs pour découvrir la porte d’hiver : celle de la Connaissance.
 

Georges CARPINTIERI

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LA REGLE ET LA CORDE A NOEUDS
Deux Outils de mesure pour l’Initié

Tout d’abord, prêtons attention à ce mot d’Outil ; le Petit Robert donne la définition suivante : du latin Ustensilia. - Objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail -.

En effet, la Maçonnerie spéculative a emprunté aux Compagnons maçons opératifs toute la panoplie d’outils de travail de la construction ; ils portent encore aujourd’hui les mêmes noms et chacun d’entre eux a une fonction et une utilisation précises, qui ne peuvent être modifiées ou confondues, sous peine de le rendre inefficace, voir même dangereux.
Un ouvrier quelconque les reconnaîtrait facilement sur nos Tapis de Loge.

Parmi tous ces outils, constamment sous nos yeux, il y en a un pour lequel une certaine confusion ou ambiguïté s’est installée, au fil des siècles :
C’est une corde entrecoupée de nœuds (appelés lacs d’amour) se terminant par deux huppes aux extrémités.

C’est la « Houppe Dentelée », improprement dite « Corde à Nœuds » qui, dans une interprétation beaucoup plus récente et teintée de romantisme, symbolise la Chaîne d’Union fraternelle reliant tous les Maçons de la terre. Or, la Houppe dentelée n’a rien à voir avec la Corde à Nœuds, aussi bien sur un plan symbolique que matériel et fonctionnel.

Le véritable outil de travail est la « Corde d’arpenteur » ou « Corde à 12 nœuds ».
Son usage était connu depuis l’antiquité ; elle forme un triangle particulier avec les cotés partagés selon la proportion 3 – 4 – 5. C’est avec cette corde qu’on implantait un édifice sur le terrain, et les Egyptiens s’en servaient déjà pour tracer des angles droits (angles de 90°).

Cet angle se révèle particulièrement intéressant car il est lié de manière intrinsèque à la Perpendiculaire. La géométrie Euclidienne, à laquelle font référence les mathématiques, dit dans le 1er théorème d’Euclide que : « sur une droite, par un point donné, on peut tracer un nombre infini de droites, mais une seule sera perpendiculaire ». La droite perpendiculaire revêt donc un caractère d’unicité.
 
Cette notion de perpendicularité implique, vous vous en doutez, des explications et analogies multiples et variées : sur le plan concret de la construction elle sert à édifier des murs droits, stables et solides, pouvant supporter des poussées et des poids considérables.
Sur un plan symbolique et métaphorique elle renvoie à l’idée de verticalité et droiture, réflexion incontournable pour tout humain et Maçons qui se respecte.

Voyons un peu ! L’Homme est en pleine possession de tous ses moyens quand il est debout ; ils se trouve en équilibre stable quand il est, physiquement, à sa verticale (essayez, tout en gardant rigide l’axe de votre corps, de prendre une position inclinée par rapport au sol : vous verrez que cette position est intenable et entraîne inévitablement la chute!).

De même, dans le processus de construction symbolique à laquelle nous sommes appelés, en tant qu’initiés, ce sont les mêmes règles qui sont utilisés, les mêmes lois qui agissent. Elles sont issues de l’expérimentation ; elles sont vérifiables et reproductibles à l’infini, car elles ont un caractère d’universalité ; elles sont donc « objectives » et non issues d’une interprétation personnelle et subjective des choses.
Dans  la construction de notre vie, de notre pensée, la notion de perpendicularité nous permettra de mettre d’aplombnos idées, comme on met d’aplomb les ouvrages de charpente ou de maçonnerie, afin que notre construction soit stable et équilibrée.
Cette perpendiculaire unique nous rappelle que la Vérité est une, alors que nous ne percevons que des vérités qui en sont les multiples manifestations.

Il s’agît là d’un absolu philosophique. Cette ligne parfaitement droite et verticale reste un idéal, une direction donnée, une ligne de conduite ; mais dans la vie il n’existe pas de choix aussi tranchés, aussi nets et définitifs. Cela reviendrait à suivre des dogmes et à confondre l’esprit et la lettre.

Certes, l’idéal serait de pouvoir  marcher en équilibre parfait, tel un funambule,  sur le fil du rasoir qui se dessine entre les cases noires et blanches du Pavé Mosaïque, mais…difficile d’avancer sans poser un pied à coté, tantôt sur le blanc, tantôt sur le noir. Et puis…même la corde du funambule a une certaine épaisseur !!!

Tout cela pour dire que la Vie est faite d’avancements, d’arrêts, parfois de pas en arrière…et puis ça repart ; aucun être ni aucune chose n’est égale à une autre ; on trouve des similitudes, des analogies. En somme la Vie est faite de rythmes (on parle bien de rythme de vie !?), de rapports qu’on établit entre les êtres et les choses, d’harmonie.
Ne serait-ce pas, justement, cette Harmonie la quête permanente de l’ Initié ?

Mais, d’abord, d’où vient cette idée d’harmonie ?

La définition même du mot harmonie nous en délivre la clés :    (Petit Robert)
Relations existant entre les diverses parties d’un tout et qui font que ces parties concourent à un même effet d’ensemble – ou encore – Ensemble des rapports entre les parties.

Donc, la nature et la qualité des rapports que nous établirons entre les différentes parties (personnes, objets, espaces physiques ou situations) donnera, ou non, un ensemble harmonieux, composé d’éléments différents, mais participant tous à une finalité collective.
Le seul moyen d’établir des rapports entre les choses est la géométrie et notre corde à 12 nœuds en est un exemple : par une construction géométrique elle permet de construire le rectangle d’or ; c’est-à-dire un rectangle construit sur la mesure d’un carré, plus le Nombre d’Or de ce même carré.

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On appelle Nombre d’Or ou Section Dorée, un rapport particulier et constant, tel que, sur une droite partagée un deux parties inégales, la plus petite partie est à la plus grande, comme la plus grande est au tout.
C’est ce qu’on appelle, en géométrie classique, partager  une ligne droite en moyenne et extrême raison.

Ce rapport existe dans la nature et donne lieu à des proportions que nous ressentons, intuitivement et spontanément, comme belles et harmonieuses ; pourtant elles naissent d’éléments inégaux et différents.

Maintenant, toute construction, réelle ou symbolique, doit être définie par des dimensions précises, c'est-à-dire elle doit être mesurée ; et pour mesurer nous avons besoin de la Règle.
Le mot mesure, du latin mensura, indique l’action de déterminer la valeur de certaines grandeurs par comparaison avec une grandeur constante de même espèce, prise comme terme de référence.

Or, les unités de mesure sont arbitraires et variables dans les temps et l’espace ( voir la coudée, le pouce, le pied, le mètre, la lieue, le mille, etc. ), c'est-à-dire qu’elles sont choisies en fonction de l’usage que nous en faisons et du résultat que nous voulons obtenir.
Alors, comment choisir la ‘juste mesure’ ?

Quand on nous demande, en tant qu’Apprenti Maçon, quelles sont les dimensions du Temple (aussi bien le Temple matériel dans lequel se déroulent les Travaux que le Temple intérieur que nos devons édifier) on répondra : « il va de l’Orient à l’Occident, du Midi au Septentrion et du Zénith au Nadir ».
Et là, nous sommes bien avancés…
Pourquoi ne m’a-t-on pas donné les côtes ?
Combien doivent mesurer mes murs extérieurs ? Quelle hauteur ? Et combien d’étages ??? Pourtant on m’a donné des outils précis à utiliser !!!

Cela veut dire, peut-être,  qu’on doit trouver tous seuls ; qu’il n’y a pas  de valeurs fixes, utilisables partout et à l’infini, car cela reviendrait à établir un dogme et une pensée unique, totalement contraires à tout principe initiatique.

Alors, avant de commencer notre entreprise, quelle qu’elle soit, nous nous mettrons bien à la verticale à l’aide du fil à plomb et là, en possession de toutes nos facultés, nous réfléchirons au contexte dans lequel notre œuvre va se situer : lieu physique, époque, situation, nature des matériaux, caractère et psychologie des personnes impliquées. Ce sont tous ces paramètres particuliers et subjectifs qui nous permettrons de définir la mesure la plus adaptée ; de choisir, en somme, « la juste mesure ».
Par contre, la méthode, le mode opératoire pour utiliser et reproduire cette mesure que nous aurons choisie, sera défini par des rapports géométriques, qui sont la représentation visible de lois générales et universelles, donc objectives.

On s’aperçoit de la sorte que la Règle et la Corde à Nœuds sont deux outils indissociables comme doivent l’être l’esprit et la lettre.
Cela empêchera, du moins je l’espère, de construire le même gratte-ciel au bord de la mer, à 3000 mètres d’altitude et au fin fond du désert parce que on aura décrété qu’il est beau et juste.

Pour le Maçon la Règle signifie la régularité dans l’application des principes maçonniques à la vie courante, tant initiatique que profane.                           

En Maçonnerie on trouve la Règle à 24 divisions.
La Maçonnerie anglaise y voit une référence aux  24 heures, qui doivent toutes être employées à bon escient, mais il est évident qu’elle implique un symbolisme bien plus vaste.
Puisque en Franc-maçonnerie il faut être géomètre, comme le rappelait  Pythagore (« que nul n’entre ici s’il n’est pas géomètre… » ), et que les outils que nous avons sont des outils du tracé géométrique, je pense que cette discipline peut nous révéler la clés de compréhension de cette Règle à 24 divisions.

En effet, le nombre 24 est un nombre symbolique ; c'est-à-dire qu’il représente un polygone de 24 cotés ; or, la géométrie nous apprend qu’un polygone de 24 cotés correspond à l’application du Triangle sur les sommet d’un Octogone ; ce qui donne 3 x 8 = 24.

Que veut dire cela du point de vue symbolique ?
Un Carré est le symbole de l’espace physique, défini par ailleurs, par les 4 points cardinaux ; l’Octogone n’est que la composition de deux Carrés dont un a subi une rotation de 45°.
Mais si un Carré est pivoté par rapport à l’autre, cela veut dire qu’un sommet du premier Carré se trouve entre deux sommets du deuxième ; on retrouve la même chose sur la Rose des Vents (par ex. le point NE indiquant la position intermédiaire entre le Nord et l’Est).

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Par conséquent nous pouvons dire que entre deux aspects de l’espace physique se trouve un aspect psychique ; le psychisme ne pouvant pas être séparé du physique, dans l’être humain, tout comme le spirituel ne peut pas être séparé du matériel.

Donc l’Octogone a cette particularité de signifier la complexité de l’être humain : un espace psycho-physique régi par l’esprit de l’être.

Revenons, donc, à notre Règle à 24 divisions ; lorsque nous voulons détailler l’espace d’un raisonnement appliqué à l’homme physique, nous employons le Dodécagone ou polygone de 12 cotés. (Au passage nous noterons que notre Corde à nœuds, déployée en cercle est divisée en douze parties).
Lorsque nous voulons y rajouter la composante plus impalpable du psychisme et de la sensibilité, nous faisons recours à un deuxième Dodécagone pivoté de 45° par rapport au premier, donc au polygone de 24 cotés.

Or la finalité ultime de la Franc-Maçonnerie est celle de construire l’Être dans toute sa complexité, aussi bien physique que psychique, afin que l’homme puisse s’élever de sa nature animale-physique à celle psychique et enfin pouvoir atteindre celle pneumatique (de l’esprit) : tel est le message caché de la Gnose.

Pour conclure, donc, cette Règle à 24 divisions indique au Maître Maçon accompli, qu’il faudra saisir tous les différents aspects de l’Être avant de pouvoir transmettre quelque chose aux autres ; ça veut dire que nous pourrons entrevoir le chemin de l’homme dans le rapport entre les 24 idées-principes, distribuées géométriquement sur un cercle.

En conclusion, rappelez-vous  que la Corde à Nœudstracera les lignes directrices de notre Temple tandis que la beauté sera donnée par la juste mesure que nous auront su y appliquer.

Milena CARPINTIERI-TUSA

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LE RITE ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHIS-MISRAÏM, EGYPTOMANIE OU TRADITION EGYPTIENNE

Sans doute avez-vous saisi, un jour ou l’autre, une bribe de conversation au cours de laquelle une interlocutrice ou un quidam explique d’un air pénétré qu’elle ou il est la réincarnation, au choix, d’une Grande Prêtresse égyptienne ou d’un Pharaon. De préférence Ramsès II – toujours  coté à l’argus des gogos – ou Akhenaton - actuellement très tendance. En revanche, je n’ai jamais entendu quiconque revendiquer la réincarnation d’un palefrenier des écuries pharaoniennes ou d’un balayeur de temple à Karnak. On se demande bien pourquoi…

L’égyptomanie se porte donc on ne peut mieux. Et fait toujours fantasmer les amateurs de sensations fortes. Notre société basée sur le marketing de masse décline l’Egypte antique sous formes de bijoux – en toc – de statuettes made in China, de shampooing, voire de serviettes de bain et même de bouquins plus ou moins mysticolâtres qui sont à l’ésotérisme ce que McDonald’s est à la haute gastronomie.
Cette fascination exploitée par le commerce a de quoi agacer tous ceux qui, laborieusement, tentent d’appréhender les mystères de la vie et de la mort à la Lumière de la Tradition initiatique. Elle peut même parasiter l’héritage qu’au-delà des millénaires l’Egypte antique nous a transmis.
Et nous autres Francs-Maçons du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm ne risquons-nous pas, à notre tour, de tomber dans cette égyptomanie superficielle qui empêche la transmission initiatique de s’accomplir de façon Juste et Parfaite ? Autant prendre conscience de ce risque pour s’efforcer de méditer sur les symboles que nous offre la tradition égyptienne, sans que la bimbeloterie égyptomaniaque fasse écran. Comme dans toute démarche maçonnique, cette dérive peut être évitée si l’on intériorise le rituel – celui de Memphis-Misraïm en l’occurrence - qui nous sert à rester dans la Voie du Milieu, celle qui évite deux périls : l’excès de rationalisme qui englue la raison et l’excès d’illuminisme qui la nie.

Néanmoins, la réalité nous contraint à prendre en compte cette fascination égyptomaniaque. Non pour s’y arrêter trop longtemps mais pour la relativiser et la dépasser.
Remarquons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. De tout temps, la civilisation égyptienne a fasciné, des Grecs de l’Antiquité aux égyptologues du XXIe siècle, en passant par les Hébreux, les Arabes, les troupes de Bonaparte, l’Angleterre victorienne et les Etats-Unis, société hors-sol qui cherche ses racines spirituelles non pas à Memphis Tennessee mais Memphis Basse-Egypte. La persistance de ses attraits nous amène à la conclusion qu’on ne saurait réduire cet intérêt à un simple phénomène de mode comme tant d’autres.

La civilisation égyptienne constitue une source essentielle pour les deux grands courants qui ont formé la pensée occidentale : le judéo-christianisme et la philosophie grecque. D’ailleurs, c’est essentiellement par leur truchement que nous connaissons la sagesse égyptienne.

L’Egypte apparaît dans le Premier Testament dès la Genèse. Abram (père élevé en hébreu) - qui ne s’appelle pas encore Abraham (père d’une multitude) - et sa femme Saraï – qui ne se prénomme pas encore Sarah - se rendent en Egypte, fuyant la famine qui sévit à Canaan. A la suite d’une autre famine, Jacob – petit-fils d’Abraham –et sa tribu formant Israël se réfugient à leur tour en Egypte afin d’y faire paître leurs troupeaux dans les plaines fertiles du Nil.
 D’après la Bible, les Juifs y sont restés pendant 200 ans ou, selon d’autres calculs, 400 ans. Il faut appréhender ces données  avec circonspection, les nombres bibliques ayant une valeur plus symbolique qu’historique. En fait, compte tenu du peu de vestiges laissés par les Hébreux en Egypte, la durée de la présence juive dans l’Empire des Pharaons reste très floue.
Toujours selon le Premier testament, les Hébreux en Egypte y ont expérimenté les honneurs – Joseph, fils de Jacob, a été élevé au deuxième rang de l’empire égyptien par Pharaon – mais aussi la servitude. Ils se sont libérés de l’Egypte et de l’esclavage sous la direction du prophète Moïse ou Moshé, dont le nom est à la fois hébreu et égyptien. Mosheh signifie en hébreu « tiré de » et la racine égyptienne « ms » renvoie à la notion de fils, d’enfant.
Selon la Genèse, Moïse ou Moshé est donc le fils tiré des eaux. Rappelons, en effet, que la fille de Pharaon a trouvé Moïse, encore nourrisson, couché dans une corbeille qui flottait au fil du Nil et qu’elle l’a adopté, la mère génétique de Moïse devenant la nourrice du futur prophète. Par la suite, comme l’indiquent les Actes des Apôtres du Nouveau Testament (VII, 20 et suivants), « Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Egyptiens ».
Or, si l’on se réfère à Plutarque, être « instruit dans toute la sagesse des Egyptiens » signifie que Moïse a été initié aux doctrines secrètes qui étaient enseignées à la plus haute classe sociale de l’Egypte antique formée par les prêtres.
Si Moïse a ôté le joug de Pharaon qui pesait sur le peuple juif, cela ne signifie pas pour autant qu’il ait oublié cette sagesse égyptienne faite d’enseignement religieux, de pratiques rituéliques et d’initiation au mystère de la vie et de la mort.
D’autant plus que le monothéisme que le peuple juif a été chargé de diffuser dans le monde – ce qui constitue le vrai sens de son élection – n’était pas une notion inconnue dans l’Egypte antique. Le Pharaon Amenotep IV devenu Akhenaton – qui a vécu de 1370 à 1350 avant J.-C. – avait réformé la religion égyptienne en l’axant sur le culte d’un seul Dieu, Aton. Cette réforme a été abandonnée à sa mort.

Les apports égyptiens à la pensée grecque se révèlent si nombreux que l’on doit se contenter de ne citer que quelques exemples. Prêtre d’Apollon à Delphes, l’écrivain grec Plutarque (de 125 à 50 avant J-C) a, comme tant d’autres penseurs, effectués son voyage en Egypte. Il a inspiré son célèbre ouvrage qui garnit encore nos bibliothèques : « Le Traité d’Isis et d’Osiris » où il met en lumière tout ce que la Grèce doit à la tradition égyptienne, notamment dans cet extrait :

C’est ce qu’attestent unanimement les plus sages d’entre les Grecs, Solon, Thalès, Platon, Eudoxe, Pythagore et, d’après quelques-uns, Lycurgue lui-même, qui voyagèrent en Egypte et y conférèrent avec les prêtres du pays. On dit qu’Eudoxe fut instruit par Conuphis de Memphis, Solon par Sonchis de Saïs, Pythagore par Enuphis l’Héliopolitain.
Pythagore surtout, plein d’admiration pour ces prêtres – à qui il avait inspiré le même sentiment – imita leur langage énigmatique et mystérieux et enveloppa ses dogmes du voile de l’allégorie (…..). Je crois aussi que les pythagoriciens, en assignant à quelques uns de leurs Dieux des nombres particuliers - à Apollon la monade, à Diane la dyade, à Minerve le septénaire et à Neptune le premier cube – ont voulu imiter ce qui se pratique ou ce qui est représenté dans les temples d’Egypte.

Diogène Laërce – écrivain grec du IIIe siècle après J.-C. – a confirmé l’initiation égyptienne de Pythagore dans l’un de ses deux livres qui sont parvenus jusqu’à nous, à savoir « Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres » :

Comme il était jeune et studieux, il (Pythagore) quitta sa patrie et fut initié à tous les mystères grecs et barbares. Il gagna donc l’Egypte quant Polycrate l’eût recommandé par lettre à Amasis. Et il apprit la langue du pays. Il alla aussi chez les Chaldéens et les mages. Etant en Crète, il descendit avec Epiménide dans l’antre de l’Ida. Tout comme en Egypte, il est allé dans les sanctuaires ; il y apprit les secrets concernant les dieux.

Donc tous les grands penseurs grecs ont été fortement influencés par l’Egypte qui était pour eux la matrice de leur initiation aux mystères de la vie et de la mort. Platon l’atteste lui-même. Sans oublier Pythagore qui a créé son école– où les initiés avançaient par degrés successifs, comme en Franc-Maçonnerie – à Crotone en Calabre, afin de diffuser l’enseignement qu’il avait reçu en Egypte.

Par opposition à elle, comme Moïse et son peuple. Ou en accord avec elle, comme les philosophes grecs, la civilisation égyptienne a donc permis aux deux grands courants de la pensée occidentale de creuser leur propre lit. Le courant juif inspirera le christianisme qui, ensuite, se propagera par le truchement de l’autorité de Rome. De son côté, le courant grec irriguera lui aussi les institutions romaines.

L’initiation que Moïse a reçue en Egypte, à en croire les Actes des Apôtres, et que les philosophes grecs sont allés quérir au bord du Nil s’est vraisemblablement transmise par la Kabbale et les enseignements pythagoriciens. Il y a eu, bien entendu, moult brassages au cours des siècles et des influences réciproques. Il serait pour le moins hasardeux, voire fallacieux de prétendre que nous pratiquons aujourd’hui des rituels semblables à ceux de l’Egypte antique.

Toutefois, on peut supposer – sur le registre de l’intime conviction et non pas de la preuve historiquement vérifiable – que l’influence spirituelle de l’initiation égyptienne a été transmise par le truchement des divers rites qui se sont succédé au cours des civilisations et dont, en fin de compte, la Franc-Maçonnerie moderne est la dépositaire.

Ainsi, le puissant mythe d’Isis et d’Osiris nous émeut aujourd’hui encore. Il est demeuré intact à travers les millénaires, ce qui démontre bien qu’il recèle, en lui, une force que d’autres écrits oubliés depuis ne possèdent pas. Il constitue l’un de ces archétypes qui modèlent nos divers états de conscience, dont ce que l’on nomme - improprement selon moi – l’inconscient.

L’influence la plus directe de l’Egypte sur la Franc-Maçonnerie prend sans doute sa source dans l’ère des Ptolémée, ces souverains gréco-macédoniens qui ont régné sur l’Egypte après la mort d’Alexandre le Grand, de 305 avant à 30 après Jésus-Christ. Et au sein de l’Egypte ptolémaïque, c’est Alexandrie qui fut la cité-creuset de l’ésotérisme en Europe et au Proche-Orient.
Sans doute dès l’époque de Ptolémée 1er, un grand nombre de Juifs ont convergé vers Alexandrie pour y créer une colonie particulièrement brillante. Ils y ont côtoyé les Egyptiens, bien sûr, mais aussi les Grecs, membres de la nation alors dominante sur le plan culturel dans le bassin méditerranées. D’ailleurs, c’est à Alexandrie que la première traduction de la Bible – le Premier Testament en l’occurrence – a été élaborée, de l’hébreu en grec, à savoir La Septante, appelée ainsi en raison des septante-deux traducteurs qui avaient été désignés – six par tribu – pour l’accomplir.
Dans cette cité où s’échangent les traditions de l’Egypte pharaonique, de la Grèce et d’Israël est né un courant ésotérique qui inspire encore aujourd’hui la Franc-Maçonnerie. Il s’agit de l’hermétisme, du nom de son mythique inspirateur, Hermès Trismégiste. Ce courant de pensées s’est diffusé à Alexandrie entre le IIe siècle avant et le IIIe siècle après Jésus-Christ. par le truchement de textes dits « hermétiques », les « Hermetica », dont la fameuse « Table d’Emeraude ». Elle illustre le point central de cette doctrine complexe, à savoir l’unité qui s’exprime par la loi de similitude en vertu de ce principe hermétique : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Une unité qui ne nie pas la différence puisque le bas est « comme » le haut, mais non pas identique à lui.
Le bas est le reflet du haut ; la matière est le reflet de l’esprit. Cette formule invite donc le candidat à l’initiation à dépasser son état de reflet pour parvenir au réel véritable. Ce dépassement de la dualité constitue l’une des caractéristiques du cheminement des « maçons de la Vieille Egypte » comme le dit notre rituel.
Conformément à sa loi de similitude, l’hermétisme proclame que l’Un réside en chaque être humain. Le travail initiatique et ésotérique consiste à faire passer cette Unité de l’état potentiel à l’état réel. 

La tradition égyptienne, via la Grèce, se retrouve également dans la Franc-Maçonnerie opérative qui a fidèlement suivi les enseignements pythagoriciens pour bâtir ses cathédrales. Une trace écrite de ce tribut des Frères opératifs à l’Egypte antique figure dans le Manuscrit Regius rédigé en Angleterre en 1390 et qui retrace l’histoire de la Maçonnerie. Voici le passage en question du Regius :

De cette manière, par la bonne science, commença le métier de la Maçonnerie. Le clerc Euclide le fonda ainsi, ce métier de géométrie, au pays d’Egypte. En Egypte, il l’enseigna tout autour, dans divers pays, de tous côtés.

Rappelons qu’Euclide était un géomètre grec qui enseignait à Alexandrie sous le règne de Ptolémée 1er (323-283 avant Jésus-Christ. Il fut le créateur de la géométrie plane, dite euclidienne.

Comme Abram et Jacob menant leurs troupeaux paître au bord du Nil fertile, comme Joseph et Marie s’y réfugiant pour sauver l’enfant Jésus des persécutions d’Hérode, l’Occident retourne donc aux sources égyptiennes lorsque la nécessité s’en fait sentir.

C’est à l’un de ces retours vers l’Egypte que nous devons, au moins en partie, la création de certains rites égyptiens au sein de la Franc-maçonnerie moderne, à savoir la campagne de Bonaparte sous les pyramides. Toutefois, avant cette expédition, la Franc-Maçonnerie a toujours été attirée – le plus normalement du monde – vers la Mère des Initiations. Le plus célèbre témoignage de cet intérêt nous est offert par le F. : Mozart qui a créé sa « Flûte enchantée » - d’inspiration ô combien égyptienne - en 1791, soit sept ans avant la campagne du général Bonaparte.

L’envie d’Egypte était donc bien ancrée au sein de la Franc-Maçonnerie moderne alors en plein essor. D’autant plus que les premiers rites égyptiens ont été créés dès le début de la transformation de la maçonnerie opérative en maçonnerie spéculative, soit en 1721 – deux avant la publication des Constitutions d’Anderson – pour le Rite Primitif de Paris et 1779 pour le Rite Primitif de Narbonne. Notons en passant que la Grande Loge de Savoie possède les patentes régulièrement transmises de ces deux rites.
Toutefois, la campagne de Bonaparte a donné à la Franc-Maçonnerie d’inspiration égyptienne une impulsion déterminante. En effet, le futur Premier Consul avait embarqué de nombreux savants de hauts niveaux dont une grande partie appartenait aux Loges maçonniques. Ces Frères, marqués par ce rapport direct avec les vestiges de cette civilisation, ont créé un courant maçonnique d’inspiration égyptienne. Dans cette ambiance de « retour d’Egypte », le rite de Memphis fut créé en 1815 à l’instigation de Samuel Honis et Gabriel Marconis de Nègre.
 
Les Rites se réclamant de l’Egypte furent nombreux au XVIIIe siècle et il serait fastidieux de les énumérer tous. Mais on ne saurait laisser de côté Cagliostro et son rite dit de la « Haute Maçonnerie Egyptienne » inauguré à Lyon en 1784. Ce rite concerne les degrés complémentaires de la Franc-Maçonnerie, cette partie de l’Ordre que l’on appelle improprement « hauts grades » et non pas les trois premiers degrés dits « bleus ».  En 1788, à Venise, il a donné la patente du Rite de Misraïm (qui signifie les Egyptiens en hébreu) à un groupe de sociniens qui ne conserva qu’une partie de l’enseignement de Cagliostro dont le mysticisme pouvait rebuter ces protestants antitrinitaires.
Nous passons sur les nombreux tours et détours des rites égyptiens  de Memphis et de Misraïm pour parvenir à leur fusion en 1881, sous l’égide du héros de la réunification italienne, Giuseppe Garibaldi.

Ce Rite s’est perpétué jusqu’à nous malgré des séries de scissions en tous genres, fruits vénéneux de la vanité humaine. L’important est que ce réceptacle des anciennes sagesses perdure. Il fait pleinement partie de la Franc-Maçonnerie au même titre que les autres Rites. Mais il lui ajoute des éléments essentiels, dont le rappel à notre mémoire des mythes égyptiens fondateurs de l’Occident et la transmission de la sagesse hermétique.

Jadis comme naguère, aujourd’hui comme demain, Isis et Osiris proclament le triomphe de la vie sur la mort, de l’amour sur la haine. Ils dansent avec la mort pour mieux l’ensorceler. Ils dansent éternellement pour réunir ce qui est épars.

Jean-Noël Cuénod

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LA CLEF DU GRAND ARCANE

analyse rationnelle d’une donnée spirituelle

 

 

« Ici sont les Arcanes de la Gnose, que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient et que leur âme comprenne » (Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm)

 

« La science est un coffre dont la clef est le questionnement » (Al-Darimî et Ahmad B. Hanbal)

 

« Jésus disait :

Les pharisiens et les scribes ont reçu les clefs de la connaissance et ils les ont cachées. Ils ne sont pas entrés à l’intérieur, et ceux qui veulent entrer, ils les empêchent. Vous, soyez attentifs comme le serpent et simples comme la colombe. » (Thomas – Logion 39)

 

 

Il s’agit, ici, de trois exemples du rapport entre la Connaissance, l’Arcane et la Clef, issus de trois cultures différentes : l’Initiation Maçonnique, le monde Islamique, le Gnosticisme Chrétien. Je pourrais en citer bien d’autres encore, mais ce n’est pas l’objet de cette Tenue.

 

Revenons au Rituel d’Ouverture des Travaux.

Le V\M\ dit : « Ici sont les Arcanes de la Gnose… »

Il est, donc, indispensable de se questionner sur l’objet des Arcanes, afin de comprendre notre Rite et de découvrir si nous y sommes en syntonie ; à savoir si notre démarche est cohérente avec son esprit et ce qu’il véhicule.

Il ne faut pas oublier que le plus haut degré du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm est constitué des Arcana Arcanorum, c’est-à-dire les Secrets des Secrets.

 

M’ayant demandé d’être pédagogique, j’essaierai de structurer mon discours par petits paliers ; ensuite je les relierai et j’en tirerai ma synthèse.

Néanmoins, afin de bien nous entendre, je vous donnerai les étymologies des mots employés.

 

La Clef – L’Arcane – Le Pouvoir – Le Savoir – La Fraternité – L’Initiation

 

La clef :                        Ce qui sert à ouvrir. Instrument de métal servant à faire fonctionner le mécanisme d’une serrure. Ce qui donne accès. Ce qui explique, qui permet de comprendre. En architecture : la clef de voûte, pierre en forme de coin placée à la partie centrale d’une voûte et servant à maintenir en équilibre les autres pierres.

 

L’Arcane :                     Secret. Préparation mystérieuse réservée aux adeptes. Du latin « arcanum » secret, chose occulte.

 

Le Pouvoir :                 Le fait de pouvoir, de disposer de moyens naturels ou occasionnels qui permettent une action. Faculté, possibilité, don. Possibilité d’agir sur quelque chose. Propriété physique d’une substance placée dans des conditions déterminées.

 

Le Savoir :                   Ensemble de connaissances plus ou moins systématisées, acquises par une activité mentale suivie. En philosophie : état de l’esprit qui sait ; relation entre le sujet et l’objet de pensée dont il admet la vérité (pour des raisons intellectuelles et communicables).

 

La Fraternité :              Lien existant entre les hommes considérés comme membres de la famille humaine ; sentiment profond de ce lien. Lien particulier établissant des rapports fraternels.

 

L’Initiation :                 Action d’initier. Admission aux mystères. Introduction à la connaissance de choses secrètes, cachées, difficiles. Action de donner ou de recevoir les premiers éléments d’une science, d’un art…

 

 

Nous allons, donc, analyser comment l’Initiation dans une Fraternité peut, en fonction d’un Savoir, nous donner la possibilité d’agir en direction de la découverte d’un Grand Secret.

 

Lorsque nous avons été initiés, tous avec la même procédure, nous avons prêté serment sur trois outils l’équerre, le compas et la règle. Et le V\M\ nous a dit : « En cela que le Suprême Architecte de tous les Mondes me soit en aide, et les Vivants Symboles que je touche de ma main »

Soit les présents étaient totalement ivres, soit ils voulaient se moquer de nous, soit ils voulaient nous suggérer, avec ces symboles, quelque chose. Je vous rassure tout de suite : la troisième hypothèse est la bonne !

Mais alors, c’est que ces outils doivent être employés pour comprendre ce que nous devons faire… si c’est vrai, il n’y a qu’une science qui les emploie : la géométrie. Le théorème initiatique est logiquement démontré.

 

Tous les Maîtres F\M\ vous diront, en gonflant leurs poitrines comme tout coq qui se respecte : « Mon Frère Apprentis, souviens-toi que sur le fronton du Temple de Pythagore était écrit : que nul n’entre ici s’il n’est pas géomètre ; mais que nul n’entre ici, s’il n’est que géomètre ! » Et à l’Apprenti qui demandera des explications de cette phrase, les mêmes Maîtres répondront : « Ce n’est pas à ton grade…et puis je ne suis pas vraiment matheux… Mais enfin, la F\M\ est spirituelle et la géométrie s’intéresse au domaine matériel… ! »

 

Quelle confusion et quel gâchis pour les intelligences… !

 

Voici, donc, qu’aujourd’hui, fête solsticiale d’hiver, c’est-à-dire, jour où la Lumière commence à faire son travail intérieur, partout dans la nature et par extension dans les hommes, je vais essayer de vous parler de Spiritualité en employant une méthode rationnelle ; à ceux qui voudront me juger comme un incorrigible intellectuel, je répondrai en les remerciant pour le compliment, car j’ai œuvré toute ma vie pour être intellectuel. Ainsi je pourrai être cohérent avec mon engagement maçonnique, c’est-à-dire : travailler à l’amélioration intellectuelle et spirituelle de l’individu…

 

\

 

Conformément aux paroles de Pythagore, j’attribuerai 12 idées aux 12 sommets d’un dodécagone, que je connoterai zodiacalement afin de fixer les caractéristiques principales de chaque idée.

Mais pour rendre plus compréhensible mon procédé, j’avancerai progressivement en regroupant ces idées par relations de mobile et de conséquence.

 

Reprenons encore une fois notre Rituel d’Ouverture des Travaux et notamment le passage où le V\M\ s’adresse au 2ème Surv\ pour que lui dise quels sont les nombres mystérieux. Ce dernier lui répond : « Les nombres trois, cinq et sept… »

Nous devons pouvoir utiliser cette indication fournie par le 2ème Surv\, si, comme je crois, le Rituel n’est pas fin à soi-même.

Je commencerai par le nombre trois.

Ce nombre est figuratif, c’est-à-dire qu’il représente un polygone de trois côtés et notamment un triangle équilatéral. Nos Apprentis savent que cette figure symbolise le passé, le présent et le futur ou encore le mobile d’un fait, le fait même et sa conséquence.

Selon le titre de mon travail, le fait est la Clef, sa conséquence est la découverte du Grand Arcane, puisqu’elle permet d’y accéder ; le mobile est l’Initiation, le désir de connaître, vivant en chacun de nous, qui nous confère ou non les qualités et l’envie nécessaires pour entreprendre un chemin vers la connaissance des Mystères. Je situerai, donc, sur ce premier triangle : l’Initiation, la Clef, le Grand Arcane.

 

FEU

Ces trois idées constituent, en quelque sorte, le moteur agissant de mon étude. En réalité la Clef permet l’action de découverte, tout comme le Grand Arcane protège ce savoir secret, qu’est la Tradition Initiatique. Enfin l’Initiation constitue ce moteur pouvant nous conduire sur le chemin de la découverte de nous-mêmes et de l’Homme. L’Initiation et sa méthode particulière, par paliers successifs, offrent les capacités d’action de chacun. Je considère que ce triangle a le caractère du feu : un feu intérieur, bien évidemment. Ce feu chauffe l’Athanor de chacun de nous, afin qu’il en sorte la quintessence et que l’Humanité puisse ainsi progresser, selon la formule d’ouverture des travaux prononcée par le V\M\

 

La physique enseigne qu’une action quelconque, pour se manifester, doit comporter une force appliquée à une masse. En philosophie on dit qu’il faut donner concrètude à une pensée. Pour donner concrètude il faut une ambiance matérielle dans laquelle notre pensée puisse se manifester. Que cette ambiance soit physique, psychique, métaphysique, utopique…peu importe.

Voyons alors l’ambiance dans laquelle la clef va agir et actionner la serrure du Grand Arcane.

 

Nous travaillerons toujours sur un triangle. Cette fois les sommets seront connotés par les idées suivantes : le Mystère, la Fraternité, le Divin ou le Déterminisme.

Le Mystère est tout naturellement l’ambiance, le milieu dans lequel l’Arcane trouve sa place et la Clef produit son action. Ne parlons-nous pas des Grands et des Petits Mystères en F\M\ ? Et notre Rituel, ne crée-t-il pas une atmosphère mystérieuse ?

Le mystère n’est pas l’étrange, mais ce qui est normalement inconnu, car réservé aux initiés (du grec mustérion, mustés), mais par extension ce mot veut dire : ce qui est caché. Or les mystères initiatiques sont provoqués par le fait que nous nous intéressons à la nature intime de la création ; donc le mystère est engendré par le Divin ou mieux par le déterminisme de chacun, qui confère ou non les qualités pour être initié. C’est un puissant moteur que cet inconnaissable, auquel l’homme attribue le pouvoir de structurer la création et, par conséquent, nos capacités à le saisir en dehors des imageries ou des projections subjectives. Ces dernières ne peuvent que transformer l’inconnaissable en Divinité.

 

AIR

 

C’est le « souffle », dont parlent les textes sacrés de chaque religion et de chaque culture. Or le souffle est impalpable, par définition même ; comment lui donner forme et image sans le pervertir ? Nous sommes en dehors du définissable, c’est pourquoi toute définition du divin amène impitoyablement au dogme et à l’affirmation sectaire. Alors il ne nous reste que le mystère, c’est-à-dire une ambiance permettant d’éveiller les consciences, car par les consciences nous sommes reliés au divin. S’il y a action de relier, c’est que nous ne sommes plus seuls dans cette recherche…Le mystère a, donc, engendré la Fraternité. Dans la recherche du Divin, nous quittons la subjectivité pour vivre pleinement une relation à l’objet du mystère. Dans cette relation, nos particularités deviennent autant de révélateurs de l’immense mécanisme de la création. Tout initié farouchement ancré dans sa subjectivité n’est pas capable d’aimer et, donc, d’être frère ; car ce qu’il croit être de l’amour n’est que de l’auto-satisfaction ; un peu comme le plaisir qu’éprouve un enfant boulimique devant une vitrine de bonbons.

Lorsqu’on reste des individualistes butés, on ne peut pas s’ouvrir à la compréhension du monde et des hommes, car nos métaux sont restés dans nos poches et…oh, combien ils pèsent !…

Ce triangle équilibre le premier et plus le mystère est grand, plus la clef doit être complexe. Il s’agit d’un triangle d’air, car évidemment nous sommes dans l’ambiance de l’éther.

 

Jusqu’ici j’ai traité des éléments délimitant l’action de la Clef sur l’Arcane et l’ambiance de cette action. Mais en quoi se concrétise-t-elle et comment ?

Il nous reste à examiner deux autres triangles. L’un représente la matérialisation de la Clef sur l’Arcane.

EAU

 

Je poserai sur ses sommets les trois idées suivantes : le Savoir caché, qui pour moi est la Vie même et l’enseignement qu’elle offre à long et à court terme ; la Fin, voir la mort ou l’achèvement d’un cycle. La Renaissance ou le début d’un nouveau cycle. Ce triangle sera connoté par l’élément Eau ; l’élément dans lequel naît la Vie en tant que réalisation concrète et matérielle. La Genèse biblique l’explique, lorsqu’elle parle de la séparation des eaux préliminaire à la création. Mais encore, le fœtus, n’est-il pas plongé dans les eaux ?

Regardons de plus près les trois idées ci-dessus.

C’est évident que quand on veut découvrir un Arcane il faut connaître son secret, donc il faut acquérir un « savoir caché ». Quand cet Arcane est le Grand Arcane, lié, comme nous avons vu au Divin, ce Savoir ne peut qu’être le « Mystère de la Vie » celle avec un grand V. Tout Savoir (à ne pas confondre avec l’érudition) est le fruit d’une confrontation entre une théorie et sa pratique. Nul ne peut affirmer connaître quelque chose pour la simple raison de l’avoir lue sur un livre ! Mais nul ne peut dire de connaître pour avoir expérimenté un aspect de cette même chose, selon sa propre sensibilité subjective.

Le fait d’avoir tout lu sur la Vie et ses prétendus mystères, ne veut pas dire forcement que nous savons vivre. Par ailleurs, notre expérience de vie ne peut pas être généralisée comme étant la Vie absolue et, donc, nous ne pouvons pas la transmettre à autrui sous peine de pêcher de prétention.

Ce Savoir caché, dont je parle, est le résultat d’une profonde méditation sur le passé proche et lointain de l’Humanité. Un passé qui nous parle d’expériences vécues, des joies, des douleurs, de ceux qui nous ont précédé et ont ainsi façonné notre présent. Tout comme nous le ferons pour le futur de nos enfants. Cette connaissance, que je définirai comme théorique, est confrontée à notre sensibilité personnelle. Cette sensibilité nous guidera vers la découverte du sens que notre esprit a bien voulu donner à notre réalité matérielle. Or je considère que le mobile nous permettant d’enclencher ce travail sensible est la mort. Lorsque nous sommes confrontés à la Mort, nous nous questionnons sur la Vie. Celle-ci quitte alors notre confort douillet, fait de travail pour gagner toujours plus, d’ambitions personnelles, d’alimentation quotidienne, de relations fugaces et superficielles, de manipulations politiques, d’illusions de tous genres, pour se recentrer sur la question fondamentale : « D’où je viens, où je vais ? »

Deux réponses s’offrent à notre intelligence : celle toute faite et bien cadré par le dogme religieux ; celle du doute permanent et de l’envie de recherche. Entre les deux il y a l’insouciance et le vide intellectuel.

Les réponses que nous saurons nous donner nous amènerons, tout doucement et progressivement vers des horizons très larges, où l’inconnu ne fera plus peur, mais il nous invitera à d’autres et plus riches expériences de Vie. C’est la Renaissance de chacun, le renouvellement de notre Etre profond.

Voici pourquoi nos Rituels sont des Rituels de mort. Il ne s’agit pas de jouer une scène, afin de faire peur à l’impétrant ; il s’agit de lui proposer de s’engager sur la voie de sa renaissance. N’oublions pas ce passage fondamental du Rituel d’Initiation, peut-être le plus important pour un profane :

-          Monsieur (Madame), s’initier « c’est apprendre à mourir » -

 

Il nous reste enfin le dernier triangle, celui de la terre, l’élément matériel et solide de la création.

Sur ce triangle on trouvera : le Pouvoir, le Temple Intérieur et le Travail sur soi-même.

Qui a le pouvoir d’actionner cette fameuse Clef ? Nous même, notre Etre. Ce pouvoir est directement proportionnel au niveau de notre conscience. Cette Conscience, que les sociétés initiatique dénomment : le Temple Intérieur, est le moteur de ce Pouvoir ; car un Etre ayant  comme seules impulsions de sa conscience : manger, dormir et coïter, jouira certainement des plaisirs et des passions de l’existence, mais il maîtrisera bien peu de choses cachées.

TERRE

 

Or l’Etre se construit entre deux tuteurs : son déterminisme et son désir de connaître. Quand le désir de connaître est authentique, que l’homme ne se contente plus d’affirmer aveuglement des « on dit », qu’il refuse aussi de devenir le « Beni oui, oui » des Eglises ou des partis politiques, alors l’Initiation s’ouvre à lui. Ainsi sa conscience le guidera vers le travail le plus difficile et, souvent, le plus douloureux : le Travail sur soi-même. Il lui faudra persévérer dans la lutte contre ses idées préconçues, contre ses acquis, contre son passé : c’est le djiad des musulmans. Mais le résultat de ce Travail sera la découverte du Grand Arcane : cette parcelle de divin présente en chacun de nous.

 

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Je pourrai m’arrêter ici, mais je vous ai promis une synthèse. Je me dois, donc, de vous la livrer.

 

Une fraternité authentique est une force d’échange en conscience, qui révèle une pensée philosophique orientée vers l’amour. Un amour qui est compréhension d’autrui et non sensiblerie fallacieuse. Cette philosophie est caractéristique de la voie Initiatique.

Cette voie pousse à la mise au point des clés de compréhension des secrets de l’humanité. Ceux qui sont dans le Saint des Saints de l’Initiation même : les Arcanes. Pour qu’un Arcane soit Grand, il faut qu’il regarde ce qu’il y a d’inconnaissable pour l’esprit humain. Autrement il s’agirait du « secret de Pulcinella », que tout le monde connaissait !

Cet Inconnaissable engendre une ambiance mystérieuse, souvent simulée par des cérémonies, dites Grands ou Petit Mystères. En effets, l’homme, dans son désir de comprendre et d’expliquer, crée des divinités, des mythes et des légendes lui permettant d’approcher l’Arcane par analogie et employant ainsi le symbolisme.

Le Mystère, ou les Mystères, s’enrichit du passage d’un stade à l’autre de la Vie ; car le choc produit par la disparition de l’être matériel, invite à réfléchir sur le sens même de l’existence et de la création. Ainsi un Savoir particulier prend consistance et amène l’être humain à casser sa carapace intellectuelle et matérielle. La cassure se recompose en une conscience plus élevée, déjà par la simple prise en compte des ces nouvelles expériences. L’homme, se distinguant de l’animal, pour son niveau de conscience, devient enfin un être capable de saisir, même partiellement, le sens de la Vie, qu’il n’assimilera plus à l’existence matérielle. Là le Travail commence et l’Initié peut se considérer comme tel réellement.

 

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Mes Sœurs et mes Frères Bien Aimés, ne prenez pas ce que je vous ai dit pour une « révélation », je n’en suis pas capable. Il s’agit d’un raisonnement sur des expériences vécues dans ma chair et sur des réflexions éveillées par des Sœurs et des Frères qui me sont chers. Certains ne sont plus, mais ils continuent de vivre dans mes pensées.

Chacun a un Grand Arcane à découvrir ; qu’il sache que personne ne l’oblige à le faire, mais l’aventure est belle et ça vaut la peine d’être vécue.

 

A ceux et celles qui ont hâte de monter en grades et qualités, je dis seulement que, au prix de les décevoir, je n’ai dévoilé rien de secret et d’ésotérique. Je n’ai pas parlé non plus d’un symbole présent dans un des degrés supérieurs : cette clef n’a pas la même signification. La voie de la connaissance se parcourt par étapes progressives ; les embûches sont tellement insoupçonnables qu’il faut être prêt aux pires difficultés. Je n’ai fait que vous parler de vos épreuves initiatiques, à travers la Terre (la matière), l’Eau (vos créations), l’Air (votre déterminisme), le Feu (ce que vous voulez faire). Pour cela je vous ai montré comment se servir d’un Maillet, d’un Ciseau et d’un bon Levier.

 

Je termine ce travail par deux cadeaux, que j’ai le plaisir de vous offrir :

 

1.    Le polygone m’ayant permis de travailler est un 60 côtés. Comment l’utilise-t-on ? Je vous laisse le soin de l’étudier, car « Que nul n’entre ici s’il n’est pas Géomètre ! » (En annexe)

 

2.    Le Logion 2 de Thomas :

Jésus disait :

Que celui qui cherche

soit toujours en quête

jusqu’à ce qu’il trouve

et quand il aura trouvé,

il sera dans le trouble,

ayant été troublé, il s’émerveillera,

il régnera sur le Tout.

 

 

 

Georges E.Th. CARPINTIERI

Allez au début

 

L’INITIATION EST-ELLE UNE FIN EN SOI ?

L’Initiation est-elle une fin en soi ?

 

Être une fin en soi, ça veut dire n’avoir de but que pour sa propre glorification. Or l’Initiation quelle qu’elle soit, a toujours une finalité ; même si parfois cette finalité reste occulte ou occultée.

L’Initiation maçonnique est considérée comme la voie initiatique occidentale. En effet elle se donne comme finalité « l’amélioration matérielle et spirituelle de l’humanité. L’humanité qu’elle veut conduire sur une voie progressive d’un progrès toujours plus dynamique.

 

Mais regardons de plus près les modalités de l’Initiation des Francs-Maçons.

On commence par le Cabinet de Réflexion ; une sorte d’invitation à l’introspection de l’être ; un retour dans l’état fœtal, mais en même temps un appel de la Mort et un commencement de la putréfaction de la matière.

Pourquoi ces deux références : la première constituant la naissance de la Vie et la deuxième évoquant la Mort ? Car l’homme qui veut être initié doit d’abord comprendre que le cycle vital n’est qu’un éternel retour de la Roue de l’existence. La vie ne peut être appréhendée qu’après avoir été confrontée à la mort.

Quitter les métaux signifie abandonner tout ce qui peut nous attacher à la matière, donc mourir à nos habitudes profanes, à nos acquis intellectuels, à nos passions et émotions. Ainsi l’être se retrouve face à l’esprit ; cette quintessence que les alchimistes poursuivaient dans leur recherche de la pierre philosophale. Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem, formule antique qui donnait V\I\T\R\I\O\L\

Le néophyte doit donc descendre dans les entrailles de sa personne pour découvrir le sens profond de son existence. C’est la seule possibilité qui lui reste pour retrouver la force nécessaire pour affronter les épreuves initiatiques.

Bien évidemment ces épreuves sont symboliques, mais non pas vides de sens et de répercussions sur sa psyché, comme disait C. JUNG.

 

Vue sous cet angle l’Initiation Maçonnique est très proche de celle vécue d’antan par les Compagnons bâtisseurs des cathédrales. Ils vivaient en communauté, ils avaient tout abandonné pour se dédier uniquement à leur art et à leur métier. Non qu’ils fussent des moines mystiques, mais pour se nourrir pleinement du sens profond caché dans les règles de l’art. En construisant, ils s’exprimaient tout en transmettant un message initiatique venant du fond des ages. Ce même message qui forgea le patrimoine de l’Occident et guida la culture des peuples.

Par analogie avec ces prédécesseurs opératifs, la Franc-Maçonnerie demande d’abandonner nos acquis, afin de nous faire plonger dans ce vaste océan qu’est l’éthique maçonnique : liberté, égalité et fraternité. Pouvons-nous appréhender pleinement le sens de ces principes en restant derrière le voile de nos idées bien faites et incrusté dans nos soucis quotidiens ?

Non, il faut faire d’abord le vide ; il faut prendre une grande respiration, celle permise par le silence de l’Apprenti, afin de pouvoir partir avec fraîcheur à la recherche de notre être parmi les autres.

 

Suit un chemin long, nécessitant beaucoup de patience et de persévérance, car la reconstruction est toujours plus difficile que la décomposition. Chaque profane accepte de « quitter » ses métaux, de se plier aux exigences des Maîtres lui transmettant une tradition. Mais combien sont capable de se construire à « la verticale » de leur quintessence, assumant avec cohérence et honnêteté la signification symbolique des outils des bâtisseurs ou des éléments astronomiques présents dans un Temple ?

Trop souvent l’Initiation Maçonnique est ressentie comme un moment de loisir ; un loisir intellectuel, c’est vrai, mais toujours un moment de détente agrémenté par la présence chaleureuse des amis (les Frères) et d’une bonne bouteille de rouge…

L’Initiation Maçonnique bien vécue doit changer l’esprit de chacun ; elle doit lui donner le sens de la honte pour chaque action non droite, comme le fil à plomb. Doit lui donner la rigueur dans le travail ; le plaisir de faire par soi-même et dans l’excellence. Mais l’Initiation fait aussi découvrir que les hommes et les femmes peuvent être des frères et des sœurs, que cela implique des engagements pour la vie, si l’on veut toujours soutenir le regard devant un miroir. Les peines des autres seront nos peines, et les joies pourront ainsi être partagées.

Dans ce sens l’Initiation prépare à la Vie. Une Vie rayonnante, dans laquelle les petites actions ont l’importance des grandes et l’orgueil est banni au profit de la conscience de sa propre valeur.

 

Cette construction nous fera sentir libres par le travail, car nous travaillerons sans rémunération pécuniaire, pour le seul plaisir de la perfection recherché. Nous serons aussi les égaux des autres frères appelés aux mêmes taches que nous, mais avec d’autres difficultés ; c’est ainsi que nous aurons la perception concrète de la fraternité, de cet ensemble d’hommes appelés à la plus grande tache que l’on puisse imaginer : celle de la construction d’une humanité meilleure.

Observer, réfléchir, se taire, œuvrer sous le guide de la sagesse, pour créer avec force une beauté universelle.

 

Seulement ainsi le Maître pourra être reconnu comme tel et vivre pour l’éternité.

 

C’est celle-ci, peut-être la seule et éternelle finalité de la Franc-Maçonnerie. Une finalité qui ne donne aucune récompense immédiate, ni des fruits que l’on puisse cueillir à la prochaine saison…Ces fruits seront cueillis par nos enfants, si nous sommes restés fidèles à nos engagements, comme le furent les Frères qui nous précédèrent depuis des siècles.

 

Lorsque la Maçonnerie se prête au jeu des affaires, à la complaisance intellectuelle, à la faiblesse d’esprit, elle ne forge plus comme Tubalkain des hommes droits, mais devient une fin en soi ; c’est-à-dire une « machine à perversion », une secte ignoble, comme ignoble est l’être qui exige sans mériter, comme ignobles ont été les trois mauvais Compagnons qui assassinèrent Maître Hiram, symbole archétypal de ce chemin ardu, constitué par la démarche initiatique.

Comprendre alors que tout un enseignement traditionnel, transmis par la F\M\, n’est pas un ensemble de « vieilleries » désuètes, mais un moteur d’évolution parmi les plus puissants en Occident, est encore le signe que l’Initiation a une fin beaucoup plus importante qu’on ne croie, une fin en dehors du temps et de l’espace capable de faire évoluer l’humanité depuis la nuit des temps.

 

A ceux qui pensent que tout cela est inutile, je paraphraserai Socrate : « C’est déjà un savoir, que de savoir qu’on ne sait rien ».

 

Georges CARPINTIERI

Allez au début

 

RAISONNABLEMENT SPIRITUEL, SPIRITUELLEMENT RAISONNABLE…

 

 

« Jésus disait :

si la chair est venue à l’existence à cause de l’esprit,

c’est une merveille,

mais si l’esprit est venu à l’existence à cause du corps,

c’est une merveille de merveille.

mais moi, je m’émerveille de ceci :

comment cet Etre qui Est,

peut-il habiter ce néant ? » (Thomas – Logion 29)

 

 

Un jeu de mots peut souvent cacher une vérité, surtout lorsque celle-ci remet en question des acquis, des idées toutes faites, mais aussi des rêveries auxquelles s’accrocherait notre faiblesse humaine à la recherche d’un soutien, voir d’une vraie béquille.

 

La vie d’aujourd’hui supprime de plus en plus les respirations, dont notre esprit a besoin pour garder sa stabilité. C’est comme celui qui, faisant une activité physique, a besoin de s’arrêter pour reprendre son souffle afin de ne pas s’effondrer épuisé.

Dans le domaine de la soi-disant spiritualité les choses ne différent pas beaucoup.

Lorsque la psyché est éprise d’une vision allégorique, relative à une conception métaphysique de l’existence et qu’elle se complaît dans l’impression d’une ascèse aussi impalpable qu’irréelle, l’Homme perd le sens de la concrétude et son esprit dérive vers un infini fictif.

Beaucoup d’églises ont vendu des expériences dites « de béatitude » ou « ascétiques », attribuées à des personnages qu’un bon psychiatre aurait pu soigner, plutôt que de les laisser élever à référents moraux de ceux qui, malgré ou bon gré, se laissaient manipuler.

Face à cette sorte d’escroquerie intellectuelle et éthique, il ne reste qu’une défense : l’usage de la raison, privilège de l’être humain et de l’Homme libre.

 

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Après ce préalable, regardons les étymologies des mots : Raison ; Raisonnable ; Esprit ; Spirituel.

 

RAISON                      Du latin : ratio, signifiant

                                    (Cicéron) raison, lumière, puissance d’âme.

                                    (Horace) argumentation, discours.

                                    (Tertullianus et César) pensée, dessein, conseil, partis, intention.

                                   

                                    Dans la langue française

            (Descartes et Louis de Broglie) faculté pensante et son fonctionnement, chez l’homme ; ce qui permet à l’homme de connaître, de juger et d’agir conformément à des principes.

(André Gide, Molière, Anatole France) Discernement, jugement, sagesse, bon sens.

(Dans l’acception philosophique de D’Alembert) Connaissance naturelle opposée à ce qui vient de la révélation ou de la foi.

 

RAISONNABLE           (Adjectif du 1265) doué de raison, intelligent, pensant. Qui pense selon la raison, se conduit avec bon sens et mesure, d’une manière réfléchie.

 

ESPRIT                       Du latin : spiritus, signifiant

                                    (Cicéron) respiration, faculté respiratoire.

                                    (Plinius) vent, air.

                                    (Virgile) âme

 

                                    Dans la langue française

Souffle divin, inspiration provenant de Dieu. Principe de vie incorporelle de l’homme. Emanation des corps.

La réalité pensante. Le principe pensant en général opposé à l’objet de la pensée.

Principe de la vie intellectuelle opposé à la sensibilité.

 

SPIRITUEL                 Qui est esprit, de l’ordre de l’esprit considéré comme un principe indépendant.

Propre ou relatif à l’âme, en tant qu’émanation et reflet d’un principe supérieur.

 

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Pour se cantonner à l’intérieur d’un développement maçonnique de cette planche, revenons à la définition illuministe de la F\M\, c’est-à-dire : le Temple de la Raison.

Or nous savons que toutes les théories philosophiques européennes issues de l’époque des Lumières, ont préparé la pensée humaine à un positivisme scientifique d’abord, matérialiste après et techno-industriel aujourd’hui, lequel a fait dériver l’attention pour l’objet concret et pour la vérification phénoménologique depuis l’expérience vers un simplisme rationaliste.

Par conséquent presque deux siècles de philosophie ont éloigné l’humanité du non directement percevable ou observable. Cela ne pouvait qu’induire une séparation conflictuelle du rationnel et du spirituel. Le premier restant du domaine scientifique, le second de la compétence du confessionnalisme religieux.

Aujourd’hui que la physique nous a ouvert les portes de la non-matière, du synchronisme temporel, de la dématérialisation, comment la F\M\peut-elle éviter de tomber dans le dogme rationaliste et offrir à ses membres la voie de l’évolution de la pensée, dans la plus grande liberté ? Encore et seulement par l’usage de la Raison.

 

Les blocages à l’usage libre et normal de l’intelligence peuvent être de différente nature : dus à des pathologies, à des manipulations, à la mauvaise foi, à l’ignorance, à la paresse intellectuelle et bien d’autres encore. Les blocages engendrés par les dogmes résument tout cela ensemble : comme un monstre mythologique et tentaculaire, le dogme nous guette, nous emprisonne dans ses spires, nous détruit lentement mais souvent irrévocablement.

 

Lorsque mon esprit rebelle me permit de claquer la porte au catholicisme romain et au christianisme, en général, j’ai eu comme une deuxième naissance ; l’horizon se dégagea et les connaissances que j’avais acquises de mon vieux professeur de philosophie prirent leur envol. Je compris que contrairement à Icare on pouvait approcher le soleil sans faire fondre la cire des ailes ; il suffisait de construire ces mêmes ailes avec la compréhension rationnelle du réel et de ses phénomènes ; de reléguer le rêve au monde nocturne ; d’apprendre les règles de l’aérodynamique et du vol.

Le problème de toutes les religions confessionnelles, s’imposant par le dogme, consiste, d’un côte, à envelopper la connaissance d’un ésotérisme fumeux et inaccessible ; de l’autre à enrober l’exotérisme de formes vides de sens, de dictats inacceptables par le bon sens, et d’intérêts économiques à la limite de l’escroquerie. La clé de voute de ce système est la diabolisation de l’intellectuel ; le refus du raisonnement, comme signe évident de la manipulation du « malin », muni de cornes, langue fourchue, queue et sabots !

 

En Initiation l’ésotérisme ne peut pas être un écran à la logique, il ne sert qu’à respecter une progression dans la connaissance et à protéger notre tradition des « consommateurs » de maçonnerie, toujours à l’affut d’expériences excitantes et, pourquoi pas, porteuses d’affaires et de relations utiles.

 

Je considère que la question de la spiritualité dans une organisation initiatique laïque moderne, doit être rapportée à la capacité d’en rationaliser la nature et la démarche. Cela veut dire que pour appréhender le spirituel, le sensible, l’impalpable, il faut le regarder en face, c’est-à-dire depuis notre raison.

En tant que maçons, bien installés dans le Temple de la Raison, nous devons donc nous questionner sur celle-ci et sur son usage, avant de formuler une quelconque hypothèse sur la prétendue spiritualité.

 

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Pourquoi la raison ? Quel est son mobile ?

D’abord sa présence nous distingue des animaux. Ensuite une énergie d’action est le mobile principal, car agir signifie travailler dans le sens d’un but et, afin que ce dernier puisse être atteint, il faut respecter une structure logique de fonctionnement de l’ensemble des actes nécessaires.

On peut opposer à ce simple raisonnement le fait que même un dictateur sanguinaire utilise cette progression ; Torquemada et sa Sainte Inquisition ont du y recourir. Une lunette spéciale permet d’observer la qualité de cette énergie en action : l’équilibre, l’harmonie, l’équité. Lorsqu’une action n’est pas équilibrée elle engendre déraison et non pas raison. Avoir raison, se faire raison est souvent déraisonnable. On n’agit pas pour avoir raison, mais pour s’exprimer. C’est le message contenu dans l’étymologie du mot ; nous l’avons déjà vu ci-dessus.

 

Lorsque l’usage de la raison est la conséquence d’une volonté d’action équilibrée, la rationalité, qui en est la manifestation concrète, engendre une pensée philosophique riche et percutante. Une philosophie de progrès et pour l’Homme ; une philosophie fondée sur l’équilibre, l’équité et sur l’esprit profond des choses. C’est cette spiritualité, dans laquelle la raison peut articuler ses agissements.

Cette pensée se manifeste et se développe dans un milieu qui a une connotation fraternelle : une sorte d’ambiance familiale fondée sur l’estime réciproque, sur l’affection et sur le désir d’avancer ensemble pour la construction d’un monde meilleur, pourvu que l’on puisse y arriver !

Une telle ambiance peut être confondue facilement avec une association de type mafieux ou confessionnel.

Cela peut être vrai dans deux cas précis et donc à éviter savamment :

1.    Les relations interpersonnelles ne se bâtissent pas autour de la recherche et du savoir, mais autour d’intérêts personnels, d’affaires commerciales, de solidarité ethnique ou politique.

2.    La fraternité est ressentie comme une ascèse mystique due à la profonde méconnaissance de mots tels qu’égrégore, quintessence, esprit, magie du rituel. Le rituel est considéré comme la finalité d’une réunion maçonnique et non comme un outil de travail dans certaines conditions.

 

Il est très important de rester équilibrés et avec les pieds bien sur terre, lorsque cette ambiance se réalise, car quelque chose d’impalpable se met en marche avec force et vigueur. Ce quelque chose est du domaine du sensible et du subtil ; il travaille notre psyché ; mais sa finalité n’est pas la manipulation des consciences et des cerveaux que des charlatans, se définissant francs-maçons racontent du haut de leurs piédestaux fissurés et moisis. Non. La finalité de celui que nous appelons l’égrégore, l’esprit, la spiritualité n’est que l’éveil des consciences. Il est le propulseur de cette fraternité, nous venant de la nuit des temps, qui doit construire des consciences d’Hommes libres, jamais esclaves, ni du crédo, ni du dogme, ni des fantaisies malsaines, ni des grades, ni des décors.  Notre seule réalité est celle d’apprenti, dans le silence, afin de pouvoir écouter notre cœur ; qui n’est pas un signe de faiblesse, mais d’une grande force de caractère et surtout la démonstration d’avoir pu et su entrevoir le « chemin de Damas ». Bien évidemment pas celui de Paul, le soi-disant apôtre ; mais l’autre, le vrai, celui qui était caché par l’ésotérisme de la raison !

Lorsqu’on cherche un chemin il faut s’orienter, raisonner, analyser…la révélation, l’illumination sont très bien pour écrire des livres et les vendre. Ou pour tromper les foules ignorantes ; mais dans ce cas on quitte le domaine de l’initiation, pour rentrer dans celui de la malhonnêteté.

 

Dans ces conditions, lorsque raison et spiritualité s’équilibrent réciproquement, le plus grand travail produit par cette dernière est le changement, la modification des jugements de valeur : un nouveau cycle s’ouvre pour les Hommes. Souvent on considère cela un peu mystérieux. Combien de fois on a entendu dire, d’un Homme devenu sage, qu’il était désormais étrange ? Au risque de faire l’éloge de la folie, je ne peux pas renoncer à considérer le Fou comme la quintessence de la sagesse…

Ce mystère se concrétise matériellement dans le progrès, dans la rupture avec les vieux schémas dans lesquels l’existence trouve sa sécurité douillette. Et ce progrès amènera un souffle nouveau dans la Vie. Une Vie avec des objectifs moins éphémères, moins dépendants des lieux communs et des idées toutes faites. Une Vie qui sera l’humus pour un Homme debout, raisonnant avec son cerveau. C’est l’initié, celui qui a su faire face à la solitude, à la dérision engendrée par sa différence. Un Homme qui saura aimer le concret, la matière, car il sait qu’elle est la matérialisation d’un phénomène plus complexe, le fruit d’un travail de la nature, dont l’abstraction mathématique ou physique lui aura expliqué les secrets les plus profonds.

Ce travail entre abstraction et concrétude, entre rationnel et spirituel, crée la conscience de l’Etre, ainsi bâti selon raison, mais dans la spiritualité désormais libérée de toutes les scories des marchands du Temple.

 

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En conclusion de cette analyse rapide et synthétique je tiens à vous rappeler que je n’ai fait que suivre le sens de l’initiation maçonnique et l’étymologie des mots employés. La F\M\ travaille au progrès de l’Humanité, à sa libération, à son évolution hors des dogmes et des idées préconçues. Comment pouvons-nous envisager une maçonnerie de bénis oui oui ? Une maçonnerie de pratiques religieuses ? Une maçonnerie, où la spiritualité serait l’alibi pour confirmer les épouvantails du passé ? Une maçonnerie avec des gourous, des papes et des empereurs ? Ce n’est pas ma maçonnerie. L’initiation, la vraie est pour moi celle de Giordano Bruno, de Galileo Galilei, de Newton, de Bakounin, d’Abd el Kader, de Giuseppe Garibaldi : tous des hommes, qui en risquant leurs vies pour faire avancer l’Humanité, ont montré d’avoir beaucoup plus d’esprit que les membres des clergés de tous horizons, qui prêchaient la bonne parole depuis leurs fauteuils à ceux et celles qui allaient se faire martyriser pour la simple et unique faute de ne pas penser comme eux.

 

Je vous ai dit tout cela, car le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm contient dans ses Rituels une dérive possible : celle de la théurgie. Cette science est très compliquée ; elle ne peut pas être abordée sans une profonde connaissance théorique et un solide équilibre mental. Dans ce domaine toutes les perversions sont possibles. Alors, comment distinguer le bon grain de l’ivraie ? Encore et toujours par l’usage pondéré de la raison.

Gardez vos conceptions métaphysiques pour soulager vos consciences, ne les imposez pas aux autres ; soyez vigilants devant les vendeurs de bonne aventure, car la fumées de leurs discours peut aveugler et étouffer l’esprit. Mes chers Frères et Sœurs Apprentis et Compagnons fuyez ceux et celles qui méprisent les intellectuels et les rationalistes, car c’est ainsi que l’on a fait bruler les livres par l’Inquisition et les pires dictatures.

Vous êtes rentrés dans le Temple de la Raison, exigez de vos Maîtres qu’ils en fassent usage. Dans le cas contraire ils se comporteraient comme des parjures. Et pour finir très spirituellement :

Que ceux qui ont des oreilles entendent, que leurs yeux voient et que leurs âmes comprennent.

 

 

Georges CARPINTIERI

Allez au début

 

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